Baya, la langage des oiseaux

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Exposition Baya « Femmes en leur jardin » à l’institut du monde arabe à Paris.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore cette artiste, vous verrez qu’à l’issue de cette vidéo vous reconnaîtrez parfaitement le style incomparable de Baya.

Avant de nous attarder sur l’exposition, et de vous partager mon avis, j’aimerais revenir sur quelques réflexions préalables.

Sincèrement si vous ne connaissez pas Baya, vous serez quelque peu désarçonné, car elle ne rentre dans aucun mouvement précis, dans lequel on aime parfois à se rassurer pour se repérer dans une globalité de l’histoire de l’art ou dans un mouvement artistique.

Rien de tout cela ici, il faut regarder, presque écouter ce que vous souffle Baya et vous laisser emmener dans un univers qui ne vous sera en aucun cas familier.

Je connais les gouaches de Baya pour en avoir vendu de nombreux modèles en vente aux enchères publiques, dans le cadre de mon activité de maison de vente aux enchères à Paris.

Les gouaches que j’ai pu vendre dataient plutôt de la fin des années 80, début 90, et je dois dire que je ne connaissais pas les œuvres des années 50 et encore moins les dessins qui ont séduit très tôt le jeune galeriste Aimé Maeght.

Alors qu’est ce qui fait que cette artiste ait émergé sur la scène artistique si tôt ? ses rencontres, son imaginaire ou encore autre chose ?

 

Qu’est ce qui fait de cette artiste une icône pionnière de l’art algérien ?

Partons au sous-sol dans l’antre de Baya et allons à la rencontre de cette artiste incomparable.

L’exposition se décline dans une déambulation chronologique, retraçant les différentes étapes de sa carrière : ses débuts dans les années 40, sa rencontre avec Marguerite Caminat sa mère adoptive, en passant par son séjour à l’atelier Madoura de Vallauris où elle rencontre Picasso. 

La scénographie permet de comprendre la construction de Baya en tant qu’artiste d’une part et en tant que femme.

Pour vous situer quelques éléments biographique, Baya naît en 1931, dans un village près d’Alger et perd ses parents alors qu’elle n’est encore qu’une enfant. Vivant avec sa grand-mère, dans un milieu rural marqué par une grande pauvreté, elle est remarquée à l’âge de onze ans par Marguerite Carminat, une femme venue en Algérie en 1940 pour fuir la France occupée, qui la prend sous son aile.

Sa mère adoptive lui apprend à lire et à écrire, tout en l'encourageant à garder l’étincelle qui est en elle, en conservant son patrimoine culturel algérien.

Baya ne se coupe pas de ses racines et vit auprès de familles musulmanes et c’est chez Marguerite que Baya se met à peintre avec ses pinceaux et ses couleurs.

 

Baya est atypique et je la qualifierais même de singulière.

Quelque chose d’unique pétille dans ses yeux : de jeune femme émergeant dès l’âge de 16 ans sur la scène artistique, à femme accomplie, Baya a su retranscrire un univers incomparable.

Elle puise dans le patrimoine algérien, les arts populaires, ses ascendances arabe et kabyle pour construire une œuvre singulière jusqu’à sa mort en 1998.

D’un prime abord, les dessins de Baya peuvent paraître naïfs.

Ce terme semble aujourd’hui quelque peu désuet.

On parle d’art naïf pour des peintures d'artistes autodidactes qui n'ont pas nécessairement appris les techniques de peinture et qui de ce fait ne suivent pas des courants artistiques académiques ou reconnus.

Mais la peinture de Baya dépasse cet aspect. Elle sera d’ailleurs par la suite imitée par la suite, sans jamais être égalée.

Si les thèmes peuvent paraître de prime abord simples, en se penchant plus en avant, sa singularité de femme a su apporter une dimension spirituelle à ses œuvres.

D’ailleurs le jeune galeriste Aimé Maeght  ne s’y trompe pas : il rencontre Baya lors d’un voyage à Alger et organise en 1947 la première grande exposition de Baya : elle n’a alors que 16 ans. Les amateurs d’art sont conquis, non pas par la naïveté mais par ce je ne sais quoi qui touche une certaine spiritualité. 

Ce n’est pas pour rien qu’André Breton perçoit en elle cette spécificité qui fait de cette jeune femme une artiste hors du commun.

"André Breton a eu cette intuition de considérer Baya comme la reine de l'Arabie heureuse. Cette reine c’est aussi la reine de Saba. Elle a quelque chose de mythique, de merveilleux. C’est ce qu’a fait Baya dans son œuvre : elle a créé naturellement un dialogue entre la femme et les oiseaux comme à l'époque du roi Salomon et de la reine de Saba", rapporte Claude Lemand, un des premiers galeristes à assurer la promotion de grands artistes européens originaires du Monde arabe, 

C’est à la même époque en 1948 qu’elle réalise ses premières sculptures dans l’atelier de Madoura où elle croise Picasso.

Baya a dû avoir une bonne étoile à ses côtés : les rencontres qu’elle fera lui permettront de grandir et de s’imposer dans un style sans précédent.

Mais c’est véritablement  grâce à sa mère adoptive que Baya demeure sur la scène artistique jusqu’à la période de la guerre d’Indépendance (1954-1962).

Mère épanouie de 6 enfants, Baya cesse momentanément son art après son mariage à Bida en 1953. Elle se consacre pleinement à sa famille d’autant que les 7 ans de la guerre d’Algérie paralysent la vie culturelle. Elle reprend son art sans interruption en 1962, année de l’indépendance en Algérie jusqu’à son décès.

On parle beaucoup de la femme dans la société, sa place, son identité, son existence.

Il est intéressant d’avoir un regard sur une femme artiste dans le contexte de l’Algérie de l’époque : des archives inédites sont ici présentées pour comprendre comment Baya s’imposa parmi les grandes figures artistiques de l’Algérie indépendante et au-delà.

Le thème de la femme est récurrent dans l’œuvre de Baya, renvoyant à son propre parcours d’émancipation dans une société patriarcale.

 

Les femmes, vous le verrez,  ont une place centrale dans l’œuvre de Baya.

Elle porte une attention particulière aux robes et aux coiffes très extravagantes. "Il y a vraiment une volonté forte de montrer le monde à partir du regard féminin. Je pense que c'est l'essentiel peut-être du message de Baya. Il y a un côté émancipateur", explique Anissa Bouayed, auteure de « L'art et l'Algérie insurgée ».

Mais l’œuvre de Baya ne semble pas se situer dans un combat, mais dans un dépassement d’elle-même en sublimant la femme, mettant en avant la beauté de la nature : un jardin d’Eden dans lequel on se sent bien.

Baya ne met jamais les femmes dans des positions de victime, harassées de travail. Elle les montre toujours d’une grande beauté et dans des poses majestueuses. "

Monde idéal, rêvé ? La nature selon Baya nous fait quitter la Terre. Elle était musulmane et très attachée à sa spiritualité : 

"Personne n'a dit qu’il y avait un aspect non pas religieux mais mystique, spirituel et universaliste dans l’œuvre de Baya. Il ne faut pas suivre les nationalistes algériens qui veulent se l'accaparer", rappelle Claude Lemand.

Outre la femme, la musique tient une place prédominante : on pourrait quasiment y percevoir le langage des oiseaux. Son mari était musicien et la musique a trouvé sa place également dans son œuvre, comme dans sa vie.

 

L’oiseau, messager de l’esprit,  est souvent présent dans ses gouaches.

 "On peut penser que pour Baya l'oiseau est aussi une métaphore de quelque chose d'intérieur qui s'exprime. Il est le messager je pense, de l'âme des personnages, de l'âme des instruments de musique. L’oiseau a le même œil que les femmes et regarde de biais. Il est le symbole de la vigilance, de l’ouverture sur le monde, et de la transmission", interprète Anissa Bouayed.

 

Les couleurs semblent également être un élément déterminant, Baya entremêle le végétal, l’animal et le décoratif sans aucun souci de perspective ni de réalisme : elle fait partager son être intérieur .

Ne manquez pas un ensemble de gouaches que Baya avait produites dès 1947 montrées pour la première fois.

Dans un échange avec Marguerite, Baya lui transmet ses récits de vie et des contes du patrimoine algérien : une vie rurale difficile décrivant ces enfants condamnés à une vie difficile dans la pauvreté. elle réinterprète par exemple le conte de kabyle de la vache et des deux orphelins.

Ses contes séduisent le galeriste Aimé Maeght qui en insère un dans sa  célèbre revue « Derrière le Miroir » consacrée à Baya. Il envisage de les publier puis abandonne ce projet pour lequel Baya avait produit dès 1947 ces gouaches

Cette exposition est particulièrement bien conçue : non seulement d’un point de vue historique par une riche documentation qui permet d’appréhender le parcours de l’artiste , mais surtout de découvrir des œuvres de prime jeunesse jusqu’à la fin de ces jours.

Déambulez, promenez-vous et laissez-vous emporter par la grâce de ces réalisations.

Laissez-vous aller, prenez le temps et plongez dans cet univers proche de l’Eden : un véritable bonheur qui vous sortira – un temps – de votre quotidien pour se rapprocher de cette merveilleuse démarche initiatique que propose Baya.

Elodie Couturier

 

En savoir plus sur Baya : 

Baya, L'Arabie heureuse, hommage

 

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Baya, Jeune femme, gouache

Baya, Nature morte à l'oiseau, gouache

Baya, Jeune femme, tableau

Baya, Instruments de musique, gouache

Baya, Oiseau et instruments de musique, gouache

Baya, Allégorie de la musique, gouache

Baya, Vase de fleurs, gouache

Baya, Paysage aux poissons, aquarelle et gouache

Baya, Composition aux poissons, gouache

Baya, Vase en terre cuite

 

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