Camille Bryen, le diable dada
Bryen, le jubilatoire
L'oeuvre de Camille Bryen
Dans l'effervescence maintenue à Saint Germain des Près par le couple Sartre-Beauvoir, Camille Bryen prolongeait l'esprit dada des années 20. Il venait de Nantes (le pays de Jacques Vaché, l'un des précurseurs du surréalisme), il avait musardé dans les zones de l'avant-garde qui recueillait à la fois l'héritage de Duchamp et la force poétique générée par les marginaux. Il s'intéresse à toute les formes d'expression. On le voit "oublier" dans la forêt des objets insolites. On est là dans l'esprit de l'errance inspirée et la quête du mystère. Il s'en prend à la lettre, veut lui arracher une nouvelle signification, il créé des alphabets nouveaux, grâce à l'utilisation de verres cannelés, aborde le collage. Et tel qu'il se voit se refait une tête à donner le tournis, celui qui le prenait quand, dans la rue, il riait de tout et voyait ce que personne d'autre voyait dans les choses. Ses dessous, la malice qui y était tapie ; c'était un merveilleux compagnon de route.
Plus que celles qu'honorent les institutions, que fêtent les coteries, que retiennent les médias, certaines oeuvres longtemps marginalisées, gagnent une chance de durer face au changement des modes, aux caprices du public, aux feux de la rampe et reviennent à nous, serties de l'estime de ceux qui surent les apprécier de leur vivant. C'est de cet ordre que sont inscrites dans l'Histoire des oeuvres comme celles du douanier Rousseau, ou, plus près de nous de Gaston Chaissac l'unique et frondeur inventeur de figures d'un cirque intime. Il faudra aller du côté du Palais du Facteur Cheval, qui est, à "l'art brut", ce qu'est le Parthénon pour l'art classique ou Notre Dame de Paris (vue par Victor Hugo) pour les romantiques.
C'est dans une communion étroite avec ce rêve de pierre, conçu avec la ténacité d'un maniaque ou d'un illuminé que se sont retrouvés ceux qui célèbrent les vertus d'un art qu'ils qualifient de "naturel". Camille Bryen, prodigieux inventeur de motifs poétiques y est pour quelque chose. Allons à sa rencontre, il nous ouvre le jardin des merveilles.