A la rencontre d’Oskar Kokoschka

Une magnifique exposition « Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne » s’est achevée au musée d’Art Moderne à Paris le 12 février dernier.

Si vous ne l’avez pas vue, je vous invite vous reporter à l’une de mes vidéos sur l’exposition et de l’étude des mains dans la peinture d’Oskar Kokoschka.

Mais l’hommage de ce jour tombe à pic, car nous allons fêter dans quelques jours l’anniversaire de sa mort, Oskar Kokoschka s’éteignait en effet le 22 février 1980.

Il faut savoir avant cela qu’Oskar Kokoschka était un artiste qui a traversé tout un siècle, quasi centenaire à sa mort, ce qui en a fait un véritable témoin de son temps.

Il aura traversé la Grande Guerre, l’effondrement de l’Autriche-Hongrie.

Ses toiles auront été saisies par les Nazis, son art classé dans l’ « Entartete Kunst » ou Art dégénéré.

Il aura connu l’exil, les affres de la seconde guerre mondiale et l’après-guerre dont certains bouleversements esthétiques, notamment l’art abstrait, n’était pas du tout de son goût, jugeant que l’âme de l’artiste se perdait dans l’abstraction.

Mais en plus de cela, peu de gens savent qu’Oskar Kokoschka a beaucoup écrit et je vous invite à lire « L’œil immuable » qui renferme les écrits sur l’art de l’artiste.

Oskar Kokoshka avait en effet publié en 1975 une série de quatre volumes, les trois autres traitant de la prose, la poésie ou de la politique

Ce qui est intéressant c’est qu’il s’agit d’écrits par lesquels Oskar Kokoschka affirme sa vision spirituelle d’artiste.

Il aura tenu de nombreuses conférences dans la Vienne du début du XXème siècle comme « La conscience des visions », mais également sur l’art insistant sur son admiration pour l’art grec, point de départ de tout art aujourd’hui.

Il est également l’auteur de plusieurs pièces de théâtres qui concernent des questions plastiques, politiques ou artistiques.

Dans tous les cas, son regard et ses réflexions sont tranchées.

Oskar Kokoschka a échangé avec d’innombrables personnalités et connaissances, car l’autre l’intéressait. Il pouvait consacrer plusieurs heures par jour à cette activité.

En 1966, Richard de Grab rencontre plusieurs fois Oskar Kokoshka.

Je suppose que l’homme devait être impressionnant.

Voici ce que rapporte Richard de Grab :

Oscar Kokoschka est assis à l'écart du reste du monde - sur une colline, face à un lac - en Suisse. Pour le protéger de trop de contacts avec l’extérieur, son épouse est là, vigilante et protectrice.

Aujourd'hui, c'est ma troisième rencontre avec Oscar Kokoschka. C'est aussi agréable que les autres fois.

Oscar Kokoschka a réalisé de grandes œuvres d'art.

Peut-être les meilleures de tous les artistes contemporains.

Ses œuvres ne sont pas à proprement parler "jolies". Elles sont puissantes et réelles. Parfois, elles peuvent être aussi très laides. Mais la vie est aussi comme ça.

Nous avons parlé de certains amis communs et d'artistes.

L'un d'eux était Hilde Goldschmidt : Oscar Kokoschka la considère comme le meilleur peintre autrichien contemporain.

Il trouve un intérêt particulier dans différentes choses et possède un certain talent dans différents domaines.

L'un d'entre eux est l'écriture. Il y consacre beaucoup de temps.

Dans l'ensemble, Oscar Kokoschka est une personne très agréable à fréquenter. Je ressens une certaine symbiose avec lui, comme si j’étais avec un vieil ami.

Lorsqu'il était particulièrement de bonne humeur, je lui ai montré quelques-unes de mes peintures.

Il s'est exclamé : "Pas mal du tout - mais je vois que vous n'avez pas eu le temps de prendre le temps de vous asseoir et de peindre tranquillement pendant quelques mois. Faites cela, et vous serez "Oscar Kokoschka" … !"

Je me rends compte qu'il est assez paradoxal - ses opinions varient et ses déclarations se contredisent - comme il se doit pour toute personne qui réfléchit...

Il parle un allemand inhabituel - un peu difficile à comprendre.

Comme cette réunion a lieu peu de temps après sa rencontre avec Adenauer, il est encore impressionné et préoccupé par le "vieil homme" et fait référence à son expérience avec lui à plusieurs reprises.

À un moment donné, il me montre une peinture sur laquelle il  avait travaillé. Il m'a expliqué le thème du tableau.

Avec véhémence, il a dit : "Vous voyez, il y a un couple : …Il la voulait tellement - et pourtant elle refuse..."
Il semble qu'il aime beaucoup les femmes, les plus jeunes allant à sa préférence.

Je le cite : "Qu'y a-t-il d'autre à part l'art, les filles et la boisson ?" C'est la vie.

Il a tout à fait raison. À son âge, il a aujourd’hui 80 ans, il est encore tout à fait capable de ressentir cette "étincelle" d'attraction et d'électromagnétisme envers le sexe opposé, qui l'inspire à son tour pour créer ses œuvres.

En parlant d'une jolie jeune femme, Oscar Kokoschka s'est exclamé "quand je vois cette femme, je me rends compte qu'il y a un Dieu...".

La description que fait Oscar Kokoschka de notre monde me semble négative.

Je le cite : « Les autres artistes sont tous des romantiques qui s’enthousiasment sur le Cosmos. Moi, je ne me fais aucune illusion, je ne suis pas un romantique.

Quand les gens arrivent, il ne reste que des ruines, de la désolation. «

Il se rend compte de l'absurdité et de la laideur qui existent. On peut d’ailleurs aisément le voir dans beaucoup de ses œuvres.

Pourtant, il aime la vie. Il en profite autant que possible, regrette que les années passent trop vite et que son existence sur cette terre ne puisse être prolongée...

Il semble être poussé en permanence par quelque chose, un besoin de se dépasser constamment.

Il prétend qu'il ne fait que ce qu'il a vraiment envie de faire - et pourtant, dans le même souffle, il dit qu'il aimerait peindre cette douce jeune fille... mais qu'il doit voyager à gauche et à droite pour un projet ou un autre : (en le disant sur un ton comme s'il ne voulait pas vraiment le faire, mais qu'il devait le faire...)

Merci à Richard de Grab pour la trace laissée de cette entrevue entre deux grands hommes.

Elodie Couturier
Expertisez Sas

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