Francisco Sobrino, architecte du mouvement.
Le Groupe de recherche d’art visuel (GRAV) réunissait Horacio Garcia Rossi, Julio Le Parc, François Morellet, Francisco Sobrino, Joël Stein, Yvaral.
Seuls deux artistes du groupe témoignent encore de cette période : Julio Le Parc et François Morellet, ce dernier s'étant écarté quelque peu de la tendance dominante du groupe, l'art cinétique et lumino-cinétique, pour se diriger vers un art concret épuré qu'il présente aujourd'hui encore (tout récemment à la galerie Kamel Mennour à Paris).
Le G.R.A.V définissait, en effet, ses « propositions sur le mouvement » en 1961 en participant à la IIe Biennale de Paris au musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Son premier manifeste "Assez de mystifications", jeté en tract dans l' exposition, ambitionnait de changer le rapport du spectateur à l'art. Des positions radicales s’expriment alors : « Il s'agissait de définir des critères objectifs d'analyse pour obtenir une position théorique globale, à savoir la surestimation de l'individu et des circuits traditionnels de l'expression et de diffusion. » Mais une évolution se fait jour : on décide de conserver la signature nominale des œuvres et une spécificité individuelle dans le travail : Yvaral travaille avec les fils de nylon et de vinyle tendus, Le Parc se consacre à la lumière, Stein s’intéresse aux trièdres et la polarisation, Garcia Rossi choisit les boîtes à réflexion lumineuse et Morellet s’investit dans la programmation des pulsions de tubes de néon. Sobrino opte, pour sa part, pour le plexiglas. Il propose des reliefs, formes plates superposées par interrelations, progressions, systématisation (Plexiglas blanc-noir et couleur), œuvres en volumes (Plexiglas transparent).
"Structures permutationnelles"
Assez vite, Sobrino explore l'utilisation de nouveaux matériaux. Il entreprend la réalisation de "Structures permutationnelles" en aluminium. Les recherches sont les mêmes que dans les pièces en Plexiglas. L’effet miroir ajoute une interférence entre l’œuvre et son environnement : formes, mouvements et lumières sont incorporés et reflétés, l’œuvre s’intègre à l'architecture, créant ainsi des images virtuelles toujours recomposées par le déplacement du spectateur. Après la dissolution du GRAV en 1968, Francisco Sobrino poursuit, de son côté, cette recherche induite à l'époque du groupe.
On sait combien le mouvement de l'art cinétique et lumino-cinétique a traversé une longue période d'oubli avant de revenir en force notamment l'an passé avec Julio Le Parc au Palais de Tokyo à Paris et Jésus Raphael Soto au Centre Pompidou toujours à Paris avant la somptueuse exposition "Dynamo" au Grand Palais.
Francesco Sobrino aura bénéficié avec les autres artistes vivants de l'ancien GRAV de ce retour spectaculaire au premier plan. Dans le même temps la galerie Galerie NMarino à Paris lui consacra une exposition de ses travaux en Noir et Blanc.
Signalétique
Avec le recul sur ces années soixante turbulentes pour les jeunes artistes du GRAV, la pérennité de l' œuvre de Sobrino pourrait bien se trouver dans cette relation à l'architecture qu'il approfondit avec des réalisations signalétiques, notamment sur les autoroutes espagnoles.
Entre les "Structures permutationnelles" et leur jeu d'aller-retour entre l'oeuvre et l'architecture proche et ces signalétiques monumentales, Francisco Sobrino s'est positionné à la charnière de ces préoccupations à la fois plastiques et architecturales.
Si bien que le mouvement, dans cette création, s'apparente davantage à un agencement des plans (perturbés,déclinés) qu'au jeu de lumière auquel le lumino-cinétisme nous avait sensibilisé.Francisco Sobrino aura réussi à rendre perceptible, dans cette monumentalité statique, un mouvement seulement créé par ce jeu de plans sans recourir aux procédures cinétiques ou lumineuses de ses amis du G.R.A.V.
Photos : GRAV
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