Heinz Berggruen collectionneur et marchand

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Heinz Berggruen, un marchand collectionneur au musée de l’Orangerie à Paris

Je vous emmène aujourd’hui à la découverte de l’exposition « Heinz Berggruen, un marchand et sa collection », au musée de l’Orangerie à Paris qui se tient jusqu’au 27 janvier prochain.

Alors avant de vous donner mon avis sur cette exposition, laissez-moi vous parler de Heinz Berggruen, un homme hors du commun.

Heinz Berggruen (1914-2007) est un marchand-collectionneur d’origine allemande, figures majeures du marché de l’art de la seconde moitié du XXe siècle. Né dans une famille juive à Berlin, il s’exile aux États-Unis avant la Seconde Guerre mondiale, effectue des études en France, puis s’initie au marché de l’art à San Francisco. Après la guerre, il retourne en Europe, s’installe à Paris, et fonde sa première galerie Place Dauphine avant d’ouvrir une adresse prestigieuse rue de l’Université.

Jusqu’ici vous me direz : mais qu’est-ce qui fait de cet homme un collectionneur hors du commun ?

Tout d’abord, revenons au contexte : Berggruen revient en Europe dans un Paris en pleine effervescence artistique. La capitale française est alors un carrefour culturel majeur où se croisent artistes, marchands, critiques et collectionneurs. C’est dans ce contexte qu’il tisse des relations étroites avec des figures incontournables de l’art moderne comme Pablo Picasso, Paul Klee, Henri Matisse ou encore Alberto Giacometti.

Passionné d’arts graphiques, il organise des expositions dédiées, notamment les premières expositions de gravures de Klee, et devient un fervent défenseur de la modernité.

La collection de Heinz Berggruen est le reflet de ses affinités personnelles et de son goût pour l’art moderne. Elle s’articule principalement autour de deux maîtres : Pablo Picasso et Paul Klee.

Pablo Picasso, génie du cubisme et figure centrale de l’art moderne, rencontre Berggruen en 1949. Je ne peux malheureusement pas vous poster des visuels de Pablo Picasso, les droits à l’image étant prohibitifs : il vous faudra vous déplacer – un mal pour un bien !

Outre les natures mortes, le collectionneur est très attaché aux portraits, notamment ceux des années 1906-07, période clé menant au cubisme. La sélection faite par Berggruen témoigne d’un intérêt indéniable pour le questionnement de la psyché humaine. Il est très attaché à la figure humaine. Une section est d’ailleurs consacrée à ce thème, soulignant comment les différents artistes de sa collection explorent l’interprétation du corps et du visage, bref de l’humain.

Dans cette lignée, on notera un tableau majeur de Paul Cézanne, figurant son épouse et daté de 1885. Berggruen découvre ce tableau en Suisse chez le marchand Max Moos, qui aura beaucoup de mal à s’en séparer – il cèdera deux ans plus tard ; le tableau sera offert à son épouse.

Second maître : Paul Klee, poète de l’abstraction, dont les œuvres graphiques et symboliques captivent Berggruen. Un bel ensemble est ici présenté qui permet d’apprécier le travail de Klee, navigant entre abstraction et figuration, au travers d’expérimentations techniques formant finalement un véritable langage visuel.

Pour le comprendre, penchons-nous sur « Architecture de la plaine », daté de 1923 : cette aquarelle montre bien les réflexions de Klee autour de l’abstraction des formes et des couleurs, avec une grille tracée à la main levée dans un jeu de transparence. Mais Berggruen ne rencontrera jamais Klee, qui meurt en Suisse en 1940. Il jouera cependant un rôle clé dans la reconnaissance de cet artiste.

Retenons quelques tableaux :

  • « Côte classique », daté de 1931, une œuvre d’avant l’exil de Klee en Suisse, période de recherche néo-pointilliste.
  • « Palais en passant », daté de 1926 : des dessins sommaires et des signes abstraits évoquant une ville fragmentée, dans un esprit proche de celui d’Otto Wols.

Un véritable coup de cœur pour cet artiste, dont je n’ai pas l’habitude de voir un tel ensemble : quelle merveille !

À ces piliers s’ajoutent les œuvres d’autres artistes majeurs comme Henri Matisse ou Alberto Giacometti. Les papiers collés d’Henri Matisse incarnent la puissance du découpage et la recherche de la pureté des formes.

Berggruen rencontre Matisse en 1950, à qui il achète un ensemble de dessins. Les deux hommes s’entendent bien, et Berggruen organise en 1953 une exposition exclusivement dédiée aux papiers découpés. On retiendra également de Matisse différents tableaux majeurs comme le Cahier bleu daté de 1945 ou encore l’Intérieur d’atelier à Nice daté de 1929.

Un coup de cœur pour les sculptures filiformes d’Alberto Giacometti, traduisant un art à la fois éthéré et expressif. L’exposition s’achève avec un lustre daté de 1949-50 en plâtre, offert au musée Pompidou en 1984.

Mais au-delà du collectionneur, on peut qualifier Heinz Berggruen de visionnaire. Dès sa première acquisition, un album de dessins signé Toulouse-Lautrec, Berggruen révèle un œil exceptionnel pour repérer les chefs-d’œuvre.

Son approche repose sur une connexion personnelle avec les artistes, à la fois en tant que galeriste et collectionneur. Ses choix sont guidés par une passion intime pour l’art moderne, où chaque œuvre raconte une rencontre, une émotion ou un lien privilégié avec l’artiste.

En 2000, quelques années avant sa mort, Berggruen cède sa collection à l’État allemand, marquant l’importance historique de sa collection. Aujourd’hui, cette exposition célèbre Heinz Berggruen comme un galeriste influent et un passeur de modernité.

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Elodie Couturier

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