Henri Matisse au musée de l'Orangerie

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Henri Matisse et les Cahiers d'Art : du doute au renouveau

Je vous emmène aujourd’hui au Musée de l’Orangerie, où se tient l’exposition « Matisse. Cahiers d’art, le tournant des années 1930 » jusqu’au 29 mai 2023.

L’exposition se veut donc focalisée sur une période précise, les années 30, au travers du prisme des Cahiers d’Art, créés par Christian Zervos en 1926, dont je vous parlerai juste après, qui aura su, en quelque sorte ,réhabiliter Matisse dans cette période charnière.

Cette période correspond chez l’artiste Matisse à un manque d’inspiration et à une recherche de renouveau.

C’est donc ce que je vais tenter de vous faire découvrir aujourd'hui, au travers de cette exposition : comment Matisse a su retrouver, soutenu notamment par Christian Zervos cette inspiration tant chère à l’artiste et quelles en auront été les conséquences, tant artistiques que personnelles.

Revenons aux Cahiers d'Art.

Les Cahiers d’Art, publié donc par Zervos, rendent compte du travail de Matisse, tout en mettant en lumière le Matisse précédent des années 20.

Tout cela contribue à relancer la compétition avec Picasso, point qui est également mis en lumière dans cette exposition.

Cette publication, sorte de bulletin mensuel d’actualité artistique, avait comme vocation d’apporter au public une vision de l’art de l’époque, sous le prismes de deux figures emblématiques : Matisse et Picasso.

Matisse figure alors aux côtés des artistes de son temps, qu’il s’agisse de Braque, Kandinsky, Mondrian ou même Marcel Duchamp.

Resituons tout d’abord le contexte.

Dans les années 20, Matisse quitte son atelier d’Issy les Moulineaux et s’installe à Nice, période qui correspond à une série sur laquelle il travaillera pendant 10 ans, et que nous connaissons tous : les Odalisques.

Alors, le succès est là : la galerie Paul Guillaume expose en 1926 des œuvres historiques comme la Leçon de piano datée de 1916, sans compter les nombreuses retrospectives à Berlin, Paris, Bâle ou encore New-York.

Mais malgré cela Matisse traverse une période difficile, semée de lassitude et de doute.

Le doute, vaste question, pour tous : une remise en question qui permet de se réinventer.

Rappelons-nous que Matisse est alors âgé de 60 ans, et se trouve à un tournant de sa vie où il est temps de se renouveler pour créer à nouveau des œuvres qui le dépassent.

C’est une période durant laquelle il délaisse la peinture pour se consacrer au dessin et à la gravure.

Matisse produira près de 300 lithographies en quelques mois.

Que fait-on ou qu’aimerions-nous faire en cas de lassitude et de train train ?

Voyager .

C’est exactement ce que fait Matisse : il quitte la France pour un long voyage à Tahiti, sur les pas de Gauguin, en passant par une longue traversée de l’Atlantique et la découverte de l’impressionnante ville de New-York.

Puis c’est l’arrivée à Tahiti et la découverte d’un autre espace, d’une autre lumière, d’autres cultures.

Une nouvelle mise à disposition de son esprit qui permettra de lui apporter un autre horizon, un souffle nouveau.

Les années 30 sont marquées par des commandes dont la composition La Danse pour le Docteur Barnes aux Etats-Unis et l’illustration des Poèmes de Mallarmé.

Albert C. Barnes est un grand collectionneur qui commande à Matisse cette grande composition que nous connaissons tous, pour la décoration de la grande salle principale de sa fondation.

Nouveau challenge pour Matisse : le travail monumental sur un thème la Danse, qu’il avait déjà exploré dès 1906 dans Joie de Vivre, appartenant alors au Docteur Barnes.

Le décor est plancté : tout est donc là pour que Matisse puisse se réinventer.

D’un point de vue graphique, on remarquera une simplicité formelle, qui correspond à son état d’esprit.

Matisse avait besoin de s’épurer, de rechercher ce qui constituait l’intrinsèque de sa démarche.

Pour cela il retourne aux sources mêmes de l’art et part à Padoue où il contemple les fresques de Giotto (1267-1337) qu’il qualifie « tout à fait extraordinaires comme clarté de composition »

Nous y voilà : Revenir à l’essentiel, revenir aux sources de soi-même est probablement pour l’artiste l’acte le plus difficile qu’il soit.

Techniquement, il recourt aux découpages de papier punaisés sur toile pour la mise en place de la composition monumentale.

Par des photographies successives, il capte l’avancée de son travail.

On retrouve ce même état d’esprit dans la progression synthétique de son travail dans la sculpture : à l’image de ses têtes de Henriette (1929) qui deviennent de plus en plus synthétiques.

Mais une fois réalisé, c’est la naissance d’un artiste nouveau.

Parallèlement, les éditions Skira  lui commande des illustrations pour les Poésies de Mallarmé et Ulysse de James Joyce, dont une partie de l’exposition propose une section.

Pour Matisse tout va très vite, car dès 1935, Lydia Delectorskaya permet à Matisse de renouer avec la peinture de chevalet.

Après avoir touché au monumental, il se recentre sur son travail d’atelier et Lydia deviendra son modèle privilégié, jusqu’à la fin des années 30, et donnera naissance à des œuvres majeures telles que Le Rêve ou Nu Rose.

La décennie des années 30 s’achève sur un renouveau pour Matisse. Il s’installe au Régina à Nice, ancien palace, et réalise dans ses nouveaux ateliers niçois, de très beaux tableaux lumineux.

Un ensemble de tableaux figurant des nus et des portraits dont les parures se fondent aux décors animés de végétaux et d’animaux exotiques.

On peut tout à fait affirmer que ces tableaux, qui clôturent notre exposition, expriment la synthèse de ce travail de cette décennie qui lui a permis de retrouver la sérénité d’esprit.

Désormais Matisse est capable de porter un regard universel, tout en se recentrant sur son univers quotidien. 

Elodie Couturier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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