Jackson Pollock au musée Picasso
À la découverte de Jackson Pollock au Musée Picasso
Je vous emmène aujourd’hui au musée Picasso à la découverte de l’exposition consacrée à Jackson Pollock, une figure emblématique de l’expressionnisme abstrait.
Alors si vous vous attendez à voir le Pollock lié à la dripping painting, il n’en est rien.
Le Musée national Picasso-Paris propose en effet une plongée dans les premières années de la carrière de Jackson de 1934 à 1947. Jusqu’alors, ces œuvres fondatrices sont rarement mises en avant, offrant ici une perspective inédite sur l’artiste en devenir.
Alors avant de vous donner mon avis sur cette exposition, profitons-en pour revenir sur cet artiste, l’un les plus influents du XXe siècle, considéré comme le chef de file de l’expressionnisme abstrait.
La démarche artistique de Jackson Pollock
La démarche artistique de Pollock repose sur une approche viscérale et spontanée de la peinture : l’Action Painting. Développant la méthode du dripping, il versait ou projetait de la peinture directement sur la toile, souvent posée à même le sol. Cette technique, appelée Action Painting, transformait l’acte de peindre en une performance physique, où le mouvement de l’artiste devenait partie intégrante de l'œuvre.
Pollock prône une liberté totale et refuse les pinceaux traditionnels pour utiliser des bâtons, des seringues ou des couteaux. La peinture n'était plus un médium pour représenter mais pour exister comme une expérience en soi.
Contrairement aux mouvements figuratifs, ses œuvres ne racontent pas d'histoire mais incarnent des émotions pures et une énergie brute, dans des sources d'inspiration mêlant art et psychanalyse.
Ses inspirations
- Les surréalistes : Les techniques automatiques, comme l’écriture automatique, ont conduit Pollock à explorer l’inconscient dans son travail. L’intérêt pour les formes organiques et les symboles issus de la nature se retrouve dans ses œuvres.
- La mythologie et l’art primitif : Fasciné par les mythes anciens et les rituels amérindiens, notamment ceux des Pueblos, cette influence transparaît dans ses compositions empreintes de spiritualité et de mysticisme.
- La psychanalyse jungienne : Dans les années 1930, Pollock a suivi une thérapie basée sur les théories de Carl Jung, influençant son usage des archétypes et des formes abstraites.
- Les maîtres modernes : Il admirait des artistes comme Picasso et Kandinsky, pionniers de l'abstraction et du dépassement des conventions artistiques.
Relations et soutiens dans le milieu artistique
- Lee Krasner : Artiste talentueuse en son propre droit, Lee Krasner, sa femme, a joué un rôle central dans sa carrière. Elle a non seulement soutenu Pollock émotionnellement mais aussi organisé ses premières expositions et introduit son travail auprès des grands galeristes.
- Peggy Guggenheim : Cette mécène influente a donné à Pollock sa première exposition solo en 1943 à la galerie Art of This Century à New York. Son soutien financier lui a permis de se consacrer pleinement à sa peinture.
- Clement Greenberg : Le célèbre critique d'art a été l’un des premiers à défendre Pollock, voyant en lui un génie capable de renouveler l'art abstrait.
La portée dans l'histoire de l'art
- Un tournant dans l’art abstrait : Pollock a porté l’abstraction à un niveau jamais atteint, en rompant avec les cadres traditionnels de la composition et en éliminant toute hiérarchie entre les parties d'une toile.
- L’essor de l’art américain : Dans les années 1940 et 1950, grâce à Pollock et d'autres expressionnistes abstraits, New York a remplacé Paris comme centre du monde artistique.
- Influence sur les générations futures : Les artistes du mouvement post-painterly abstraction, comme Morris Louis et Helen Frankenthaler, se sont inspirés de son usage radical du geste. Le happening et l’art performatif doivent également beaucoup à la manière dont Pollock a intégré son corps dans le processus créatif.
La figure du génie torturé
L’image de Pollock comme artiste maudit a renforcé son aura mythique. Ses luttes contre l’alcoolisme et sa mort prématurée dans un accident de voiture à 44 ans ont ajouté une dimension tragique à son histoire, faisant de lui une figure romantique du génie créatif.
Jackson Pollock a transformé la peinture en une expérience sensorielle et émotionnelle, libérant l'art de ses contraintes narratives et techniques. Sa démarche unique, profondément enracinée dans les mouvements intellectuels et culturels de son temps, a marqué un tournant dans l’histoire de l’art. Aujourd'hui encore, ses œuvres continuent de fasciner et d'inspirer, témoins du pouvoir de l’abstraction pour exprimer l’essence humaine.
L’exposition au Musée Picasso
L’exposition revient sur une période cruciale de la vie de Pollock, marquée par des influences multiples et des expérimentations fébriles. Avant ses célèbres drippings, Pollock explore le régionalisme américain, s’imprègne de l’œuvre des muralistes mexicains comme Diego Rivera, et découvre les avant-gardes européennes, notamment l’art de Pablo Picasso.
Le parcours met en lumière le lien entre Pollock et Picasso, révélant comment le jeune artiste américain a puisé dans le cubisme et le surréalisme pour forger sa propre esthétique. Des thèmes récurrents comme la figure du Minotaure, chère à Picasso, apparaissent dans ses premières œuvres, témoignant d’une phase d’assimilation et de transformation des influences.
Le parcours de l’exposition
- Les influences fondatrices : Les visiteurs découvrent comment l’artiste, encore en quête de son style, a été marqué par des figures comme Thomas Hart Benton et André Masson, mais aussi par les arts amérindiens, omniprésents dans son œuvre.
- Le geste et la matière : Cette section présente des toiles où la figuration côtoie une abstraction naissante, préfigurant les audaces gestuelles qui feront sa renommée mondiale.
Mon avis sur l’exposition
L’exposition rassemble une centaine d’œuvres, prêtées par des institutions prestigieuses telles que le Museum of Modern Art, le Centre Pompidou, la Tate et le Metropolitan Museum of Art. Parmi les pièces phares, des peintures figuratives, gravures et sculptures illustrent la diversité des pratiques artistiques de Pollock.
Pour les amateurs comme pour les néophytes, cette rétrospective offre une opportunité rare de découvrir un Jackson Pollock en pleine évolution, encore tiraillé entre figuration et abstraction, entre influences locales et internationales.
Cependant, pour les amateurs du Pollock des grands drippings, cette exposition pourrait sembler incomplète. Les œuvres exposées, bien qu’intéressantes, ne représentent pas la quintessence de son art. Elles témoignent de la transition de Pollock vers une peinture libérée des conventions académiques, annonçant ses fameux drippings de 1947. Selon moi, elle est davantage destinée à ceux qui souhaitent explorer ses années d’apprentissage et comprendre comment ses expériences artistiques ont façonné sa démarche future.
À voir ou à laisser passer ? Si vous êtes curieux de découvrir un Pollock moins connu et d'approfondir les connexions entre son œuvre et celle de Picasso, cette exposition peut valoir le détour. Cependant, ne vous attendez pas à une immersion dans l’univers explosif de ses célèbres drippings. Pour ma part, bien que la scénographie soit réussie, cette rétrospective n’a pas été un coup de cœur : intéressant mais pas incontournable.
À vous de juger ! Rendez-vous au Musée Picasso où, pour un dimanche, peu de monde était finalement présent.