Jacobus Vrel, l'aîné méconnu de Vermeer

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Première exposition dédiée au peintre Jacobus Vrel

Une expérience captivante qui réunit ses œuvres les plus importantes, disséminées dans les plus grands musées d'Amsterdam, de Bruxelles, de Détroit, de Munich et de Vienne, ainsi que dans des collections privées prestigieuses.

Parmi ces merveilles se trouve également l'une des scènes de genre les plus connues et étonnantes de l'artiste, conservée à la Fondation Custodia : "Femme saluant un enfant à la fenêtre", sur laquelle je reviendrai plus tard.

Mais avant de vous parler de cette exposition, il faut tout de même mentionner le lieu magique : La fondation Custodia (Bonne garde en latin )

En 1947, Frits Lugt et son épouse ont fondé la Fondation Custodia, établissant ainsi leur impressionnante collection à l'hôtel Turgot, un somptueux hôtel particulier du XVIIIe siècle, où le temps semble suspendu, situé au cœur du VIIe arrondissement de Paris, à quelques pas de l'Assemblée Nationale.

C'est là que la collection d'art ancien, connue sous le nom de "Collection Frits Lugt", est abritée sous l'égide de la Fondation Custodia.

Cette collection constitue l'une des plus importantes collections privées de dessins anciens, d'estampes et de lettres d'artistes, faisant de la Fondation Custodia la véritable "maison de l'art sur papier" en France.

Mais revenons à notre mystérieux Jacobus Vrel

Au premier abord, rien ne semble relier Jacobus Vrel au célèbre Johannes Vermeer, si ce n'est leurs initiales communes, "JV".

Pourtant, de nombreux tableaux de ces deux peintres partagent le même calme contemplatif, mettant en scène des figures féminines au rôle central et enveloppés d'un certain mystère.

Il faut savoir que de nombreuses œuvres de Jacobus Vrel ont été longtemps attribuées à Vermeer, restant ainsi méconnues du grand public, mais intrigant et fascinant les historiens d'art depuis plus d'un siècle.

Au XIXe siècle, certains marchands peu scrupuleux ont tenté de maquiller certaines œuvres de Jacobus Vrel en les présentant comme des tableaux de Vermeer, espérant ainsi obtenir des profits plus importants. Cela rend aujourd'hui difficile la définition précise du corpus des œuvres de Vrel. En effet, aucune date de naissance ni de décès n'a été trouvée pour l'artiste, et un seul de ses tableaux est daté parmi les 42 autres panneaux de bois qui lui sont attribués (cinq d'entre eux restant introuvables, connus uniquement par d'anciennes reproductions photographiques en noir et blanc).

Cependant, une récente série d'analyses dendrochronologiques, qui consistent à dater les panneaux de bois utilisés comme support pour les tableaux, a fourni une information déterminante : Vrel avait commencé à créer ses premières vues de villes vers 1635, puis s'est tourné vers les scènes d'intérieur vers 1650. Il ne s'agit donc pas d'un simple suiveur de Vermeer, comme on le pensait depuis longtemps, mais bien d'un précurseur de ce dernier.

Vrel était actif bien avant Vermeer, voire même avant Pieter de Hooch, l'artiste de Delft le plus apprécié à l'époque.

L’exposition

La salle d'exposition compte pas moins de huit vues  sur le thème des ruelles hollandaises, mettant en scène des personnages simples et anonymes, peintes dans une gamme chromatique restreinte, où le rouge des briques, le blanc du plâtre et le bleu du ciel dominent, avec des accents géométriques modernistes. Elles semblent être une extension de la célèbre Ruelle exposée au Rijksmuseum d'Amsterdam, une composition singulière dans l'œuvre de Vermeer.

Afin de mettre en valeur l'originalité des œuvres de Jacobus Vrel, une partie de l'exposition est consacrée aux contemporains hollandais du peintre qui ont abordé des sujets similaires, tels que les vues de villes et les scènes de genre. Les représentations urbaines de Vrel offrent un voyage dans la vie des Pays-Bas du XVIIe siècle, intrigant par leurs architectures indéfinissables. En effet, Vrel est le premier peintre de l'âge d'or hollandais à choisir comme sujet des vues de rues et de bâtiments sans événements historiques ou marquants. Ce type de peinture connaîtra par la suite un développement important avec des artistes spécialisés dans ce genre, tels que Jan van der Heyden (1637-1712) ou Jan Abrahamsz. Beerstraaten (1622-1666).

Des prêts exceptionnels du Rijksmuseum, du musée de Bonn et de la Alte Pinakothek de Munich sont également exposés, offrant ainsi une perspective plus large sur cette période artistique. Sans oublier les dessins de Rembrandt et d'autres artistes hollandais du XVIIe siècle, qui illustrent la vie quotidienne et l'intimité des femmes de cette époque. Ces œuvres graphiques viennent enrichir la compréhension de l'art et de la culture de cette période fascinante.

Quant aux scènes d'intérieur peintes par Vrel, elles sont également uniques dans l'art de son époque. Ces pièces vides d'objets, à l'exception d'un morceau de papier au sol portant la signature de l'artiste, délimitées par des murs tout aussi vides, avec une fenêtre derrière laquelle émerge une pâle figure d'enfant, sont difficiles à classer dans la production picturale hollandaise. En revanche, dans ses autres scènes de la vie domestique, Vrel utilise un répertoire de motifs courants dans l'art hollandais. Ses figures de femmes cuisinant, cousant, veillant sur une malade ou s'occupant d'enfants présentent de nombreux parallèles. Par exemple, l'exposition présente un magnifique tableau de Pieter Janssens, également connu sous le nom d'Elinga (1623-1682), provenant de l'Alte Pinakothek de Munich. Ses intérieurs, peuplés de figures féminines, invitent à une rêverie similaire à celle des œuvres de Vrel.

Mais revenons sur "Femme saluant un enfant à la fenêtre"

L'œuvre intitulée "Femme saluant un enfant à la fenêtre" de Jacobus Vrel est une peinture intrigante .

Cette scène de genre met en scène une femme qui se tient à une fenêtre ouverte, penchée vers l'extérieur pour saluer un enfant situé à l'extérieur du cadre de la composition.

Le personnage féminin occupe une place centrale dans la composition. Elle est représentée avec des vêtements de l'époque du XVIIe siècle, mettant en évidence les conventions vestimentaires de l'époque.

La fenêtre joue un rôle essentiel dans l'image, offrant un point de connexion visuelle et symbolique entre l'intérieur et l'extérieur. Elle symbolise la frontière entre les espaces privés et publics, permettant des interactions entre les personnages.

L'enfant situé à l'extérieur évoque une relation familiale ou sociale, et peut également symboliser l'innocence ou l'espoir de l'avenir.

La composition capture un instant fugace de salutation, soulignant la nature éphémère de ces interactions quotidiennes. Cela peut renforcer l'idée de la vanité de la vie et de l'importance de saisir les moments précieux.

L'œuvre évoque des thèmes tels que les relations humaines, l'intimité, la dualité des espaces et la fugacité des moments de la vie. Elle invite les spectateurs à réfléchir sur les interactions sociales, les liens familiaux et la nature transitoire de notre existence.

Mon avis sur l’exposition

Cette exposition offre une immersion dans la production artistique de l'âge d'or hollandais, mettant en lumière la singularité et la modernité de l'étonnant Jacobus Vrel.

Si dans un essai paru en 1968 l’historien de l’art Jean Clair avait surnommé Vrel «le Vermeer du pauvre», il n’en demeure pas moins que nous sommes fort chanceux de pouvoir profiter d’une telle exposition dans un confort fort appréciable, qui permet de resituer cet artiste dans un contexte de l’histoire de l’art  qui a toujours besoin d’être enrichie afin de pouvoir avancer sur le chemin de la connaissance.

Théophile Thoré-Bürger, qui redécouvrit Johannes Vermeer en 1866, écrivit à propos de Jacobus Vrel :

"C'est Vermeer à s'y méprendre, même de près."

Alors profitez de pouvoir vous approcher de si près des tableaux présentés pour admirer non seulement une technique remarquable, mais également un témoignage hors pair d’une époque mal connue.

Elodie Couturier

 

 

 

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