Entrer dans l'atelier d'un peintre, c'est toujours un moment intime, délicatement révélateur. Celui de Jacques Monory à Cachan a une porte bleue. Forcément, puisque le bleu est devenu l'emblème de cet artiste phare de la Figuration narrative. Au point qu'un marchand de couleurs a créé pour lui le «bleu Monory».
Le bleu de ses grandes compositions monochromes est l'écran noir de ses nuits blanches, lui, l'enfant de la Butte Montmartre et des studios Pathé-Cinéma, le fan de Scarface, de Paul Mini et de Bogart, d'Orson Welles et de sa Dame de Shanghai. Le «bleu des rêves», dit le cinéaste Jean-Jacques Beineix qui s'est inspiré de sa série «Opéras glacés» pour son film-culte, Diva (1981). Le bleu de l'ombre, disait Monet.
Bleu de la pénombre cinématographique qui conduit à sa haute verrière, antichambre comme un temps suspendu où reposent les Stetsons blancs de ce fou d'Amérique et des peluches de tigre, son animal fétiche qui rôde dans ses tableaux. Bleu des bâches qui voilent la lumière zénithale de son atelier, comme une maison d'été au bord de la Méditerranée.
Bleu en dégradés et camaïeux de ses immenses toiles emmaillotées, prêtes à partir pour laFondation Leclerc à Landerneau. Du 14 décembre au 17 mai, 2015, le nouveau lieu culturel finistérien (au tropisme peinture très marqué!) offrira un retour sur images sur une vie de peinture. Ce flash-back Monory devrait être étonnant comme une machine à remonter le temps, une autre histoire de l'art français tout en aventures et références mythiques, à déplier comme un livre japonais.
Beaucoup d'images fragmentées dans son œuvre peuplée de gangsters, de noms codés, de mâles, d'armes, de bolides, de rues parisiennes, de belles américaines, comme un film qui ralentit ou un récit en chapitres. «Cette fragmentation, elle est la vie. Recréer un mouvement de fragments, ça correspond à une réflexion sur nous-mêmes. C'est sûrement bien que ça crée une tension et une détente. Quand il n'y a plus de tension, une baisse de tension, comme pour l'électricité, on ne voit plus rien. Évidemment, il faut retourner dans une image totale avec une unité: tout est bleu, par exemple», expliquait le peintre en 1992, ce «philosophe spontané» décrit par Lyotard (in Écrits, entretiens, récits Jacques Monory, édition établie par sa commissaire à Landerneau, Pascale Le Thorel, Beaux-Arts de Paris éditions, 2014). Source
Avec les ans, restent une douceur indicible et une joie qui ne demande qu'à éclater. Rendez-vous donc avec ce gentilhomme souriant né en 1924 à Paris. Même s'il s'est dit, un temps, né en 1934 pour pouvoir participer à un concours réservé aux artistes de moins de 30 ans. Action!
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