Jean Hélion au musée d'art moderne

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Jean Hélion au musée d'art moderne : une idée de l'objet.

Je vous emmène aujourd’hui au Musée d’Art Moderne à la découverte d’un artiste hors du commun Jean Hélion,  autour de la rétrospective intitulée « Jean Hélion, la prose du monde », qui se tient jusqu’au  18 août prochain.

Alors si vous connaissez Jean Hélion au travers de ces quelques représentations connues, sachez que l’artiste est bien plus complexe que cela.

Il aura été l’un des pionniers de l’abstraction qu’il introduisit aux Etats-Unis, avant d’évoluer vers une figuration tout à fait personnelle.

Avant de vous donner mon avis sur cette exposition, permettez-moi de vous emmener dans un voyage à la découverte de Jean Hélion dont le mot clé serait l’objet, et vous allez comprendre pourquoi.

Parcourons tout d’abord le parcours de Jean Hélion et revenons sur l’artiste lui-même pour mieux comprendre sa démarche.

Jean Hélion naît en 1904 en Normandie et part pour Paris en 1921 à l'École des Beaux-Arts. Il abandonne rapidement ses études formelles pour travailler comme apprenti chez un architecte, tout en développant son art en autodidacte.

Dans les années 1920, Hélion est influencé par l'avant-garde artistique de Paris. En 1929, il rencontre Théo van Doesburg, un des pionniers du mouvement De Stijl, ce qui l'oriente vers l'abstraction. Il devient membre du groupe Abstraction-Création en 1931, un collectif qui prône l'art abstrait et réunit des artistes comme Piet Mondrian, Jean Arp et Wassily Kandinsky.

C’est durant cette période qu’il commence la rédaction des Carnets, réflexion sur la peinture qu’il poursuivra jusqu’en 1984.

En 1930, Hélion fonde avec d'autres artistes le groupe Art Concret. Ce groupe s'attache à une forme de peinture purement géométrique et non figurative, où les formes et les couleurs sont utilisées de manière stricte pour exprimer des idées sans aucune référence à la réalité extérieure.  Parallèlement, Jean Hélion est également proche des écrivains de son temps comme Francis Ponge, Raymond Queneau, René Char, André du Bouchet qu’il associe à son parcours artistique.

Jean Hélion s'installe aux États-Unis en 1934 et se lie d'amitié avec Marcel Duchamp. Il est à ce moment-là un des acteurs majeurs de l’abstraction et une figure essentielle de la vie artistique américaine, prodiguant même ses conseils à de riches collectionneurs.

Il est tout à fait envisageable que la rencontre avec Marcel Duchamp a nourri sa réflexion de l’art et de l’objet.

Rappelons que Duchamp a introduit le concept de ready-made, où des objets manufacturés sont présentés comme œuvres d'art. Des objets tels que l'urinoir "Fontaine" (1917) et la roue de bicyclette "Roue de Bicyclette" (1913) ont été élevés au rang d'art par leur simple sélection et présentation dans un contexte artistique. Cette approche a ouvert de nouvelles perspectives sur ce qui peut être considéré comme de l'art et comment les objets du quotidien peuvent être réinterprétés. Parenthèse fermée.

Les formes des tableaux d’Hélion préfigurent alors un retour à la figuration, pour se détourner totalement de l’abstraction en 1939.

Alors pourquoi ce changement alors que, rappelons-le il s’impose sur la scène internationale de l’abstraction ?

Jean Hélion est un chercheur : il s’interroge, et suit ses intuitions pour se consacrer au réel. Hélion ressent le besoin de renouer avec une forme d'expression plus accessible et narrative. Il est de plus en plus convaincu que la figuration peut transmettre des émotions et des histoires d'une manière que l'abstraction ne peut pas.

Il est évident que la seconde guerre mondiale aura joué un rôle majeur dans ce changement. Hélion est fait prisonnier par les Allemands en 1940 et libéré en 1943. Cette expérience difficile renforce son désir d'un art plus personnel et expressif.

Mais là où les choses deviennent intéressantes, c’est-il ne s’agit pas d’un retour à la normalité du réel, mais plutôt à une reconstruction de l’image à partir de son langage abstrait.

Et c’est là où le langage d’Hélion se précise autour de l’objet. Le retour à la figuration dans les années 1930 et 1940 a marqué un tournant important dans la manière dont Hélion représentait les objets.

Dans ses œuvres figuratives, les objets du quotidien, comme des chaises, des livres, et des instruments, ont commencé à apparaître. Cependant, ces objets étaient souvent peints de manière à souligner leur banalité, intégrés dans des scènes de vie courante sans chercher à les exalter ou à les transformer en symboles. Jean Hélion a traversé une évolution marquée dans sa relation avec les objets, passant d'une abstraction géométrique à une figuration où les objets du quotidien prennent une importance accrue.

 "Le Jugement des Choses"  que vous verrez en fin d’exposition représente un point culminant dans cette évolution, où les objets ne sont plus seulement des éléments anecdotiques mais deviennent des symboles porteurs de significations multiples.

Cette transformation témoigne de la profondeur et de la complexité de la vision artistique d’Hélion.

Hélion est un chercheur mais également un poète.

C’est là où le titre de l’exposition prend tout son sens : Jean Hélion, la prose du monde.

Il a semblé traversé son temps en observant l’intrinsèque des objets, leur rendant une âme au service d’une vision très personnelle du monde.

Mais revenons à notre exposition

L’exposition

Encore une fois, le musée d’art moderne nous gâte par cette présentation de quelque quatre-vingts peintures et d'une vingtaine de dessins, dont l'ensemble des Compositions de grand format, conservées principalement aux Etats-Unis, réuni pour la première fois.

Jean Hélion bénéficiera de son vivant de nombreuses expositions dans les galeries et les institutions françaises et internationales comme celle au MAM en 1977 et 1984-85, la dernière rétrospective ayant été présentée au Centre Pompidou en 2004. Malgré son importance et sa singularité, son œuvre reste aujourd’hui encore peu connue du public.

Organisée de manière chronologique, le début de l'exposition explore les influences abstraites d’Hélion, marquées par sa rencontre avec des figures clés de l'avant-garde européenne comme Piet Mondrian et Théo van Doesburg.

On observera dans différents de ses tableaux les influences artistiques :

Observez ce tableau « Composition abstraite » qui reflète la rencontre de Hélion avec Jean Arp, qui l’amène à s’inspirer de la nature.

Entre 1932 et 1935, Hélion aborde une série intitulée « Equilibre », qui vous le remarquerez, font écho aux mobiles de Calder.

Observez cette œuvre où les tensions entre les barres rouges et les formes géométriques noires, maintenues par deux lignes, permettent de mettre en exergue le vide central.

Une autre section est consacrée à la période américaine d’Hélion dans les années 1930 montrant son rôle de pont culturel entre l'Europe et l'Amérique et son influence sur le paysage artistique de l'époque.

« Figure tombée » est une toile charnière dans l’œuvre de Jean Hélion, dernière œuvre abstraite du peintre, qui marque ses désillusions concernant l’abstraction « j’ai atteint en quelques secousses… la figure tombée…qui fait un monument à la chute en mois de l’abstraction.

Une nouvelle peinture naît, né d’une maturation de ses recherches artistiques et intellectuelles.

Il faut comprendre qu’Hélion n’a pas été un artiste solitaire dans sa déambulation artistique et l’exposition met en avant les collaborations et amitiés de Hélion avec des artistes comme Calder, Giacometti, et Duchamp, ainsi que sa proximité avec des écrivains tels que Francis Ponge et Raymond Queneau.

C’est d’ailleurs grâce à cette première partie de l’exposition que l’on commence à comprendre : Hélion commence à partir d’éléments abstraits à construire des figures, et entreprend ses premières études de têtes : de face, de profil ou de dos.

Emile, Edouard et Charles sont construits autour d’un cadrage serré et d’éléments purement abstraits, par un agencement subtil de formes géométriques et de couleurs.

Puis du personnage, l’objet prend vit : « il faudrait ôter du public moderne, une fois pour toutes, l’idée que dessiner d’après nature, c’est copier. Dessiner, c’est inventer… et ne saurait en rien être assimilé à la photographie. Dessiner c’est une opération des yeux en mouvement qui tounrent autour des choses et savent l’envers quand ils voient l’endroit. Dessiner n’est pas voir mais plutôt montrer. C’est révéler »

Parfaite transition pour parler des objets avec la section intitulée « le parti pris des choses », consacré aux années 50 et 60, avec notamment les mannequineries et la série des toits, qui invite à une réflexion entre monde du rêve et celui du reel.

Observez la froideur de ces mannequins qui contraste avec le gisant qui fait écho à « Figure tombée »

Les toits reflète le visage de la ville  « si je peins les toits, c’est qu’ils ressemblent à quelques chose d’abstrait en moi »

Il se passionne dans les années 60 pour les images de la rue comme en témoigne ce tableau » La voiture de fleurs et le boucher » 

Les évènements de 68 ravive ses convictions politiques : Paris devient son décor avec ses bouches de métro, ses amoureux , ses bouquinistes

Dans les années 80, Hélion commence à perdre la vue Mais il continue de peindre pour dit-il « y voir clair » : Requiem 2 offre une vision émouvante de l’autoportrait. La vue plongeante àau travers d’un miroir brisé dramatise l’image de l’artiste qui semble figé, les mains dans les poches, prisonnier de sa destinée qui le privera de ses yeux.

L’exposition est riche, passionnante et le dernier tableau « le jugement dernier des choses «  est une pure merveillle

"Le Jugement des Choses" est une œuvre clé dans la carrière de Jean Hélion qui illustre une maturation dans son traitement des objets. Dans cette fresque, les objets ne sont plus simplement des éléments anodins du quotidien, mais deviennent des acteurs à part entière du tableau.

Hélion confère ici aux objets une symbolique plus riche. Chaque objet peut être vu comme un représentant de concepts ou d'émotions plus larges, allant au-delà de leur simple existence matérielle. Cette approche peut être vue comme une réaction au ready-made de Duchamp, où l'objet est élevé à un statut artistique par le seul fait de sa sélection et de son contexte.

Contrairement à ses œuvres abstraites, où la composition se concentrait sur l'équilibre et l'harmonie visuelle des formes, dans "Le Jugement des Choses", Hélion utilise les objets pour raconter une histoire, pour juger des aspects de la vie quotidienne. Cette œuvre représente une réflexion sur la nature des choses et leur place dans la perception humaine.

Les objets dans "Le Jugement des Choses" sont presque anthropomorphisés, ils semblent posséder une vie propre et un rôle spécifique dans la composition narrative du tableau. Cela montre une évolution dans la manière dont Hélion perçoit les objets, passant de simples éléments de composition à des entités ayant une signification et une influence sur le spectateur.

Mon avis sur l’exposition

L'exposition au Musée d'Art Moderne de Paris propose un voyage immersif dans l'évolution artistique de Jean Hélion, depuis ses débuts influencés par l'abstraction jusqu'à sa transition vers la figuration narrative. Cette évolution artistique est présentée non pas comme une rupture, mais comme une continuité dans la quête d'expression et d'innovation de l'artiste.

Organisée de manière chronologique, ce choix s’avère  très pertinent pour comprendre le cheminement intellectuel de Jean Hélion.

Un parcours audio tactile, conçu avec le soutien du groupe Essilor Luxottica, permet une immersion profonde dans l'univers de Hélion, rendant l'art accessible aux visiteurs malvoyants ou aveugles.

Une exposition à ne manquer sous aucun prétexte. Le bouche à oreille ne semble par encore avoir opérer car peu de monde encore dans ces salles.

Allez au musée et profitez de ces merveilles qui nous sont proposer.

A bientôt sur Expertisez pour de nouvelles visites de musées et d’expositions.

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Pour toute estimation et cote de l'artiste Hélion, vous pouvez vous reporter à notre article : Estimation et cote Jean Hélion 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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