Laurent Bouvier l'avant gardiste
Laurent Bouvier, le naturalisme japonais dans l'art français
Né le 20 septembre 1840 dans l’ancienne province française du Dauphiné, Laurent Bouvier ne s’installe à Paris qu’à l’âge de vingt et un ans. Poussé par une mère dévote à intégrer les troupes de zouaves pontificaux, il parviendra à se détourner de cette destinée et profitera de son voyage à Paris pour visiter musées et monuments. Ebloui par la profusion d’œuvres de la capitale, il est d’abord fortement marqué par les canons gréco-romains, tels qu’ils ont été compris en Occident dès la Renaissance.
De retour à Paris pour débuter des études de droit, Laurent Bouvier fait la rencontre du peintre Alfred Capelle qu’il se donnera pour maitre. Ce dernier conseille au jeune bouvier de fréquenter l’Académie Suisse où il fera de fameuses rencontres : Edouard Manet, Claude Monet, Jean-Charles Cazin, Henri Fantin Latour et Félix Bracquemond. Au contact de celui-ci, graveur à l’originalité remarquée, Laurent Bouvier décide de devenir céramiste. Alors que de nombreux ateliers franciliens avaient fait le choix de la faïence, pour la noblesse de sa matière, la sûreté d’exécution, Bouvier préfère la terre vernissée, conquis par l’authenticité de la poterie d’usage.
Egalement inspiré par les ébénistes André Charles Boulle et Pierre Gole, Laurent bouvier trouve sa conception : l’ornement placé comme élément structurel d’un décor. Il en fait une signature inimitable sur ses formes de prédilection : hauts vases balustres, grandes amphores élégantes dépourvues d’anses… Félix Bracquemond avait déjà anticipé son succès : « du jour au lendemain, son nom fut sur toutes les lèvres, on se disputa ses vases et ses plats ».
Laurent Bouvier portera surtout son attention sur l’Extrême Orient, en introduisant l’idée d’un naturalisme japonais dans l’art français, ce qui lui vaudra l’admiration du collectionneur et fervent japonisant Philippe Burty. En témoignent la pierre gravée comme une pierre lithographique, les arabesques, les nielles conçues avec la précision et la finesse du meilleur orfèvre.
Dessinateur, peintre, céramiste, Laurent Bouvier affiche aux côtés des modernistes après la guerre de 1870 dans la galerie du célèbre marchand Paul Durand-Ruel, rue des Petits Champs. Il parvient à combiner sur des mêmes œuvres l’ornement, la faune et la flore. Il réinvente véritablement la nature morte qui ne se trouve plus posée sur la toile mais bien à la surface d’une poterie.
Au cours des années 1870, Laurent Bouvier participe à la mutation des arts décoratifs, transformant l’artisan en artiste. A l’instar des peintres impressionnistes, il crée des variations flamboyantes et emprunte à la féerie florale des émaux asiatiques, ainsi qu’à l’Egypte ancienne et à la Grèce Antique. La composition, par ses camaïeux de couleurs et de nuances, envahit toute la surface du plat. La céramique devient l’égale de la peinture.
Malgré un mal inexorable, dont l’acharnement aura définitivement raison de ses forces le 13 Décembre 1901, Laurent Bouvier exposera six œuvres au Musée centennal de l’exposition universelle de 1900, éphémère parangon des arts décoratifs.
C’est avec tout son talent que Laurent Bouvier a entrepris de convaincre une nation occidentale d’envisager l’art céramique à la manière de l’extrême orient. « Au delà d’une œuvre qui se perçoit aujourd’hui comme l’exacte transcription des préoccupations esthétiques d’une époque, c’est l’élévation de la discipline à l’égal de celle des beaux arts qu’il convient aussi de retenir » (Marc Ducret, historien de la céramique).
Source : artslife
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