Le mystère Vermeer

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Le mystère Vermeer  : autour de l'exposition

Cela ne vous aura pas échappé : une exposition exceptionnelle se tient au Rijksmuseum, de l'artiste Vermeer, baptisée même par le magazine Connaissance des Arts comme « l’exposition du siècle. »

Il y avait eu pourtant en 1995 une exposition à La Haye consacrée à Vermeer,  qui était tout à fait remarquable, que j’ai eu le plaisir de voir, puisqu’il y était déjà rassemblé 22 tableaux, ce qui n’avait pas eu lieu depuis 1696, lorsque 20 tableaux appartenant au riche rentier Van Ruijen avaient été exposés et mis en vente dans le cadre de sa succession.

Aujourd’hui, 28 des 37 tableaux connus du maître du XVIIe siècle Vermeer sont exposés du 10 février 2023 au 4 juin 2023 au célèbre Rijksmuseum d'Amsterdam.

Tous les billets pour l’exposition se sont vendus en quelques jours seulement, ce qui a créée à nouveau un buzz incroyable !

Mais alors pourquoi ?

Outre le fait, que l’attaché de presse de Monsieur Vermeer soit très efficace, et que de ce fait tout le monde veut « faire l’exposition », dieu sait que je déteste cette expression…

Non plus sérieusement ,on peut se demander quelle en est la raison réelle ?

Vermeer a toujours été un artiste qui a su entretenir le mystère.

Le mystère demeure ce qui est inaccessible à la raison humaine, ce qui est de l’ordre du surnaturel, le caché, l’indicible.

Et bien nous voici au centre de notre idée : chacun de nous, grâce à cette exposition unique en son genre, va tenter de percer le mystère Vermeer, remportant avec lui une once de mystère.

Avant de se pencher sur la peinture de Vermeer, soulignons que l’exposition rassemble 28 tableaux de Vermeer, provenant de sept pays du monde entier, dont les États-Unis, la France et le Japon.

Il a fallu sept ans de diplomatie pour l'organiser. Obtenir des prêts de cette valeur était déjà mission impossible avant 2020 - aucun musée ne se sépare d'un Vermeer à moins que la demande soit vraiment, légitime - et la pandémie et l'invasion russe de l'Ukraine n'ont fait qu'augmenter les coûts et les épreuves logistiques.

Bel exploit, si l'on considère que seuls 37 tableaux sont généralement attribués à l'artiste, qui a vécu de 1632 à 1675 dans la ville de Delft.

Revenons rapidement à Vermeer dans son siècle, le 17ème siècle :

Contrairement à ses contemporains, Vermeer (1632-75) ne peint pas dans un but de vendre, ni dans la quête d’une quelconque gloire hors de sa ville qui est je vous le rappelle Delft.

Il vit de son art, mais demeure très discret, père de 15 enfants, sa vie rythmée entre périodes prospères, et d’autres plus difficiles.

Issu d’une famille de commerçants, son père était un marchand d’art qui finira malheureusement ruiné.

Vermeer lui est artiste mais également marchand d’art et expert reconnu.

Néanmoins, Vermeer souffre dès 1672 comme tant d’autres, de la grande crise économique de l’époque, à la suite de la double attaque du pays : par Louis XIV d’un côté et par la flotte anglaise de l’autre.

Le marché de l’art est alors  bien entendu relégué à des considérations bien secondaires, et Vermeer meurt ruiné en 1675. Il n’est âgé que de 43 ans, laissant femme et enfants sans un sou.

La peinture de Vermeer bascule dans l’oubli avec la mort de l’artiste, et demeure délaissée jusqu’au XIXème siècle.

Pourquoi me demanderiez-vous ?

Eh bien, comme aujourd’hui, il faut comprendre que sa peinture ne correspondait plus à la mode, les jeunes commanditaires étant plus axés sur la peinture historique et religieuse que sur la peinture de genre pratiquée par Vermeer.

Les modes font et défont les réputations des artistes, cela a toujours été et cela toujours le cas.

C’est un historien d’art, Théophile Thoré, qui ramènera notre Vermeer sur le devant de la scène au XIXème siècle, pour être mis en valeur dès le début du siècle passé notre beau XXème siècle.

En conquérant la célébrité au tournant du XXe siècle, Vermeer fait aussi l’unanimité auprès des artistes, dans la littérature comme dans la peinture, et le cinéma. Renoir est un fan de La Dentellière, et Dalí en propose sa propre version et Vue de Delft, décrit par Proust comme “le plus beau tableau du monde” et est, à en croire Pissarro, “un chef-d’œuvre qui se rapproche des impressionnistes”.

La peintre de Vermeer intrigue, par son côté intimiste : l’œuvre de Vermeer est essentiellement composée de scènes intimistes et d’intérieurs.

Mais ce qui en fait un artiste incomparable, est le traitement  de la lumière, ayant un rendu tout à fait particulier sur la perspective.

Le mystère prend alors sa place, mais peu d’éléments à l’époque sont à disposition, mettant en piste de nombreux faussaires qui profitent de cela pour mettre sur le marché de faux tableaux.

J’ouvre une parenthèse à ce sujet et vous invite à lire un livre que j'ai lu il y a plusieurs années,  « la double vie de Vermeer » de Luigi Guarnieri qui relate l’histoire de Han Van Meegeren, un peintre traditionaliste né aux Pays-Bas en 1889, qui, fatigué par les critiques de son époque, décide de se venger de manière grandiose et réalise plusieurs faux Vermeer,  dont le premier, «Le Christ à Emmaüs», sera défini par toute la presse comme "le chef-d'œuvre absolu de Vermeer".

S'appuyant sur l'hypothèse selon laquelle le maître hollandais, mort dans la misère en 1675, aurait peint une série de tableaux à sujet religieux, il entreprend de combler cette "lacune" en utilisant une technique et des matériaux qui dupent les meilleurs spécialistes. Ce n'est qu'en 1945 que la supercherie est découverte, quand la police saisit la collection de Goering, et que Van Meegeren est accusé de haute trahison pour avoir vendu un Vermeer à ce maréchal du Reich nazi.

Suivra un procès mémorable, qui vit défiler responsables de musée, critiques d'art et experts de renom.

Ce livre nous convie ainsi à une véritable enquête policière, mais aussi à une réflexion sur la passion que peuvent entraîner les œuvres d’art.

La passion est d’actualité aujourd’hui, puisque 28 des 37 tableaux attribués au peintre son visible dans notre exposition.

Tout d’abord, tout le monde connaît Vermeer.

De nos cuisines à Hollywood, Vermeer a su se faire un nom, en dehors même de toute considération artistique : la publicité a repris le mythique tableau La Laitière, pour une marque de yaourts, tandis que La Jeune fille à la perle a fait l’objet d’une adaptation cinématographique par Peter Webber en 2003 d’après un livre de Tracy Chevalier du même nom paru en 1999.

Même Agatha Christie se sert d’un tableau de Vermeer comme mobile d’un crime.

N’oublions pas les faits divers avec le casse du Musée Isabella Stewart Gardner, dont je vous ai parlé dans le cadre d’une de mes vidéos et qui n’a jamais été résolu, durant lequel Le Concert de Vermeer (peint en 1665) a été dérobé. Encore un mystère !

Lorsque la "Jeune fille à la perle" a été vendue aux enchères en 1881, elle a été adjugée à seulement deux florins. Maintenant, Vermeer arrête la circulation et détourne les avions.

Et vous vous demandez : cette luminosité, ce calme intérieur, comment cela ne pourrait-il pas arrêter le cœur de tout le monde,comme il arrêterait le mien ?

Alors tout le monde veut aller voir et vivre sa propre expérience avec un tableau de Vermeer. Chaque visiteur pourra dire : "J’y étais".

Alors même si des scientifiques ont pu aujourd’hui percer quelques mystères techniques, mettant en évidence certains détails dans le chef d’œuvre La jeune fille à la perle, que tout le monde connaît, permettant de découvrir comment le peintre avait réalisé son œuvre, il n’en demeure pas moins que le mystère Vermeer dépasse l’entendement humain et quelque chose se passe lorsque vous vous trouvez face à l’un de ses tableaux.

A quoi reconnaît-on les tableaux de Vermeer ?

Une perspective sans défaut, alors que le peintre ne s’aidait d’aucun dessin préparatoire. Cette « qualité photographique » a été d'ailleurs remarquée dès la redécouverte de Vermeer dès la fin du XIXème siècle, époque même de l’apparition de la photographie au XIXe siècle

Un premier mystère est percé :

En 2001, le britannique David Hockney, peintre,  enfonce le clou dans son best-seller "Savoirs secrets", où il affirme que le maître de Delft s’aidait bien d’une camera obscura. David Hockney n’est pas le seul à avancer la thèse d’un Vermeer « proto-photographe », puisque l’architecte Philip Steadman dissèque en 2001 le chef-d’œuvre "La Leçon de musique" (vers 1662 – 1665) et s’appuie sur les mesures de la pièce où a effectivement été peinte la scène.

Alors qu'est ce que cette "camera obscura" ?

Utilisée sous diverses formes depuis des milliers d'années, la "camera obscura", ou chambre noire, est un instrument optique impliquant une pièce ou une boîte sombre dans laquelle l'image extérieure est projetée à travers un tout petit trou ou une lentille.

La chambre noire, considérée par les jésuites comme un outil d’observation de la lumière divine, lui permet cette mise au point sur un élément essentiel du tableau, comme le fil de La Dentellière par exemple, alors que d’autres zones sont volontairement floues.

Si les jésuites pensaient y observer la lumière divine, peut-être q’une part de divin se retrouve ainsi dans le tableaux de Vermeer.

L'effet caractéristique produit par l'appareil, avec le centre mis au point, mais laissant d'autres zones floues, est "précisément ce que Vermeer réalise" dans son tableau La Dentellière, comme je vous le précisais précédemment.

Cette utilisation n'est pas nouvelle, Léonard de Vinci déjà s'y intéressait, comme Canaletto a pu le faire ensuite.

Mais Vermeer l'utilise bien plus que ses contemporains et différemment. Là où la camera obscura s'avère utile pour les scènes d'extérieur par exemple, Vermeer l'utilise pour placer des gouttes de lumière là où elles ne sont pas attendues, et ainsi créer des effets flous : " Vermeer utilise les effets de la chambre noire - c’est-à-dire ces gouttes de lumière imprécises - il les utilise là où elles ne peuvent pas apparaître. "

Pour lui, l'enjeu n'est pas la fidélité à la réalité, mais l'accès à l'invisible.

Nous revenons donc à ce mystère Vermeer.

Alors même si l’on découvre aujourd’hui des prouesses de techniques liées à Vermeer, en dévoile-ton pour autant son mystère ?

Pour David Hockney, les outils optiques n’enlèvent rien au mérite du peintre : « Ce ne sont pas les instruments qui font les marques, seule la main de l’artiste peut y arriver, et cela demande une grande habileté ».

Si le mystère est Dogme révélé, inaccessible à la raison, alors laissez-vous porter par les tableaux de Vermeer.

Si vous aimez Vermeer, vous feriez mieux de vous connecter sur le site de KLM, puis de vous rendre à la billetterie du musée, car les deux premiers mois de la série sont déjà complets.

Sachez que le Rijksmuseum propose également une expérience numérique de Vermeer pour ceux qui ne peuvent pas voir ces pièces en personne.

Intitulée "Closer", cette galerie en ligne fait intervenir les voix de Stephen Fry (en anglais) et Joy Delima (en néerlandais), qui donnent un aperçu de la vie et de l'art de Vermeer. Leur narration accompagne des photographies à très haute résolution des tableaux de Vermeer, sur lesquelles le public peut zoomer pour en voir les détails.

Elodie Couturier

Expertisez

 

 

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