Madeleine Castaing et Chaim Soutine
Exposition, livre, rééditions à foison : vingt ans après sa disparition, la « Diva de la rue Bonaparte » est la décoratrice la plus inspirante du moment.
Jamais l'esprit de Madeleine Castaing (1894-1992) n'avait à ce point flotté dans l'air du temps. Mobilier en bambou outdoor-indoor, rayures bayadères, motifs félins, causeuses à franges, couleurs poudrées, chintz... : son héritage né en pleine période Art déco connaît à présent son heure de gloire. Décorateurs, galeristes, éditeurs de tapis ou de papiers peints sont de plus en plus nombreux à ressortir les marottes de cette impératrice du style. Logique, somme toute, car elle fut iconoclaste et donc moderne avant l'heure. « Elle a été la première à casser les codes, à oser mélanger une moquette léopard avec de la couleur. Aujourd'hui, cela nous semble amusant mais, au début du siècle dernier, c'était fou », explique Laura Gonzalez, décoratrice du Tout-Paris qui vient de terminer Belle Epoque, un nouveau bar complètement Castaing. Parmi les pionniers de la redécouverte de Madeleine Castaing, Jacques Grange. Le décorateur de Naomi Campbell et François Pinault, qui signe actuellement la scénographie de l'exposition « Du côté de chez Jacques-Emile Blanche », à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, a été le premier à réutiliser le fameux bleu de Madeleine, un « ciel » sourd entre le turquoise et l'acier. « Beaucoup d'autres décorateurs ont compté et ont été oubliés. Mais elle est toujours présente. Ce n'est pas un hasard si on la surnommait "la Magicienne" », raconte celui qui n'a pas hésité à racheter, pour son usage personnel, le lustre doré orné d'oiseaux et de fougères qui trônait dans la chambre de sa muse favorite. De son côté, le duo d'architectes Gilles et Boissier a donné un nouveau souffle aux jardins d'hiver, dont Madeleine Castaing était friande. En témoigne celui en bambou noir réalisé au café Artcurial et celui du restaurant La Villa, niché sous une rotonde de colonnes blanches. Un style qualifié par Madeleine Castaing de « néo-classique empreint de romantisme » et dont se revendique aujourd'hui une institution de la gourmandise parisienne : Ladurée. Car le fabricant de douceurs s'est installé à l'angle de la rue Bonaparte et de la rue Jacob, à l'endroit même où Madeleine Castaing détenait sa galerie. Celle qui dormait parfois dans sa propre vitrine, y fut une marchande d'art et de mobilier, excentrique selon certains, calme, intelligente et drôle pour d'autres.
La muse de Soutine
« Alors que tout le monde ne jurait que par Ruhlmann ou Eileen Gray, elle mariait du Napoléon III avec du gustavien et de la porcelaine de Wedgwood », explique Serge Gleizes, auteur de « L'Esprit décoration Ladurée », un ouvrage qui rend hommage à l'esprit de ces lieux (en librairie le 5 décembre, éditions du Chêne). Même hommage au style impertinent de Madeleine Castaing à la British Gallery, de Paris, qui lui consacre une exposition courant sur plus d'une année intitulée « Dans le sillon de Madeleine Castaing ». Dans un faux intérieur parisien « tel qu'elle l'aurait conçu », glisse-t-on à la galerie, se côtoient rééditions de meubles comme elle aimait les customiser, moquettes léopard et carrelage réédités par Codimat l'an dernier, tissus et papiers peints fabriqués par la société Edmond Petit (Lola Montes, Rayure, etc.). Une fantaisie qui fit d'elle l'ami d'artistes comme Jean Cocteau, dont elle aménagea la demeure de Milly-la-Forêt, ou du peintre Chaïm Soutine. C'est le portrait qu'il peignit d'elle qui figure sur les murs de la capitale pour annoncer l'exposition consacrée au peintre, au musée de L'Orangerie. Un hommage quasi institutionnel en 2.250 exemplaires auquel elle n'aurait peut-être pas été insensible... Et qui l'aurait sans doute fait sourire.
Source : Les Echos
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Madeleine Castaing est un personnage hors du commun. Si vous souhaitez en savoir plus, nous vous recommandons particulièrement le livre de Jean-Noël Liaut "Madeleine Castain, mécène à Montparnasse. Décoratrice à Saint Germain des Prés".
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