Manet - Degas : rivalité au musée d'Orsay

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Manet - Degas à Paris, rivalité et amitié au musée d'Orsay : un face à face discutable

Je vous emmène aujourd’hui au Musée d’Orsay à la découverte de l’exposition Manet / Degas qui se tient jusqu’au 23 juillet prochain à Paris, exposition qui avait été proposé au Metropolitan à New-York.

L’exposition a été annoncé comme d’habitude comme « incontournable » par certains journalistes.

Rassurez-vous ! Votre vie n’en dépend pas, et je vous expliquerai pourquoi lorsque je vous délivrerai mon opinion quant à cette exposition.

Au-delà de l’exposition dont je vais vous parler au travers de face à face de tableaux, il est  cependant intéressant de mettre à jour la pertinence de ce face à face où l’on peut discerner parfois une certaine rivalité.

Manet et Degas étaient tous deux des artistes majeurs du mouvement impressionniste au XIXème siècle et ont contribué de manière significative à l’art moderne et ont développé leurs propres styles distincts.

Cette exposition très importante, non seulement par le nombre de tableaux exposés (beaucoup venant d’Orsay, mais également des prêts de musées étrangers, vous permettra de voir une sélection de leurs œuvres emblématiques, des peintures, des dessins, des estampes.

Outre le fait que vous (re)découvrirez qui étaient ces artistes dans un contexte historique précis, nous verrons quelle aura été leurs influences sur d’autres artistes et en quoi ce face à face met en exergue une certaine rivalité.

Que retenir des deux hommes ?

Manet et Degas, deux acteurs incontournables de la peinture nouvelle des années 1860-1880, ont fait des choix très divergents en ce qui concerne leur carrière et leurs expositions. Leur parcours met en lumière la diversité et les tensions de la modernité picturale, révélant ainsi la valeur de la collection de Degas, à laquelle Manet a occupé une place de plus en plus importante après sa disparition.

Manet se distingue en tant que précurseur et individu indépendant, rejetant les conventions académiques et ignorant les tendances de son époque. À travers ses tableaux et ses choix de sujets, Manet provoque régulièrement des scandales, suscitant ainsi l'indignation au sein du petit monde artistique de son temps.

Si vous voulez en savoir plus sur Manet, je vous encourage à vous écouter le podcast de Frank Ferrand du 1er juin sur l’artiste, en duo avec Guillaume Durand.

De son côté, Degas se range parmi les jeunes avant-gardistes. La diversité et la richesse de ses sujets ainsi que de ses techniques de travail font qu'il ne peut être complètement catégorisé dans une seule case. Cependant, il maintient une proximité étroite avec les impressionnistes et leurs salons.

Même si les deux peintres ont souvent l'air de jouer à jeu égal, ce n'est pas tout à fait la réalité. "Degas a souvent accusé Manet de lui avoir volé ses sujets. On s'aperçoit que c'est souvent l'inverse qui s'est produit. Dans le domaine des champs de courses et ailleurs, c'est Manet l'inventeur et Degas est celui qui s'approprie l'invention de Manet", témoigne Stéphane Guégan, co-commissaire de l'exposition "Manet-Degas", au musée d'Orsay. 

Une petite anecdote : En 1869, Degas réalise le portrait de son ami Manet et de sa femme Suzanne au piano. Cependant, la représentation de Suzanne ne satisfait pas du tout Manet, qui, pris de colère, déchire un quart de l'œuvre. Lors d'un déjeuner ultérieur, Degas découvre le geste de Manet. Cela provoque une dispute entre les deux artistes, Manet renvoyant l'œuvre à Degas, qui réagit en renvoyant à son expéditeur une nature morte qu'il avait offerte des années auparavant.

La rivalité Manet / Degas

Il y avait une certaine rivalité entre Édouard Manet et Edgar Degas, bien que leur relation ait également comporté des éléments de respect et d'amitié. Leur rivalité artistique était en grande partie due à leurs personnalités et à leurs approches différentes de l'art.

Manet était considéré comme un artiste avant-gardiste et souvent critiqué pour son style novateur et controversé. Il était attiré par les sujets modernes et urbains, et il défiait les conventions artistiques de l'époque.

Degas, quant à lui, était plus traditionnel dans son approche et s'intéressait particulièrement à la représentation du mouvement, en se concentrant souvent sur des sujets tels que la danse et les scènes de la vie quotidienne.

Cette divergence dans leurs styles et leurs choix de sujets a contribué à une certaine rivalité entre les deux artistes. Ils se critiquaient mutuellement et se comparaient souvent.

Certains récits suggèrent que Degas aurait déclaré un jour : "Manet est un peintre de l'extérieur. Je me bats contre l'extérieur." Cette citation illustre la différence d'approche entre les deux artistes, Degas se concentrant davantage sur la représentation des mouvements et des intérieurs, tandis que Manet se concentrait sur les sujets de la vie moderne et extérieure.

Cependant, malgré cette rivalité, Manet et Degas partageaient également une admiration réciproque et une certaine camaraderie. Ils se sont soutenus mutuellement dans leurs carrières et ont exposé ensemble à plusieurs reprises, notamment lors des expositions impressionnistes. Ils ont également entretenu une correspondance régulière et partagé des amis communs, tels que le critique d'art Émile Zola.

En fin de compte, la relation entre Manet et Degas était complexe, mêlant rivalité artistique, admiration et respect mutuel. Ils ont tous deux marqué l'histoire de l'art avec leurs contributions distinctes et ont contribué à l'émergence de l'impressionnisme.

Les tableaux duos.

Portraits, courses de chevaux, femmes, vie parisienne, vous y verrez environ 200 tableaux, pastels, dessins, gravures, monotypes, lettres et carnets provenant des collections d'Orsay mais aussi du Metropolitan Museum of Art de New York, co-organisateur d- l'exposition, et de la National Gallery de Londres sont réunis tout au long d'un parcours thématique et chronologique.

Vous pourrez y voir des tableaux phares comme le Déjeuner sur l’herbe ou l’Olympia de Manet.

Je vous invite à ce propos à vous reporter au remarquable essai « Déjeunons sur l’herbe » de Guillaume Durand qui a d’ailleurs obtenu le prix Renaudot.

Il nous entraîne dans un récit captivant qui entrelace l'autobiographie, les analyses esthétiques et historiques, nous permettant ainsi de découvrir les artistes qui ont été influencés par le peintre de l'œuvre emblématique "Olympia". Tout au long de sa vie en tant qu'amateur et collectionneur, l'auteur a eu la chance de rencontrer et de côtoyer ces artistes, créant ainsi un lien personnel avec eux. Parmi les personnalités emblématiques de l'art moderne que l'on croise dans ce récit, on peut citer Jacques Monory, Robert Longo, Andy Warhol, Claire Tabouret et même Robert de Niro Senior.

Mais revenons à notre exposition, vous verrez également des tableaux moins connus également attireront votre attention : Portrait  d’Eugène Manet, ou la famille Bellelli d’Edgar Degas.

Je vous propose de nous pencher sur quelques duos pour apprécier le face à face entre les deux artistes.

Les duos

Dans un café, l’absinthe de Degas peint entre 1875 et 1876

La prune 1877 d’Edouard Manet

Les bistrots, symboles de la vie parisienne moderne au même titre que les cafés-concerts et les cabarets, connaissent une grande popularité à la fin du XIXe siècle. Les similitudes entre ces deux œuvres sont frappantes, tant par leur sujet que par leur composition. Elles ont été réalisées à quelques mois d'intervalle. Degas et Manet, chacun à sa manière, captent une image de la solitude en utilisant le même lieu - le café de la Nouvelle Athènes à Paris - et en choisissant le même modèle, l'actrice Ellen Andrée. Dans le tableau de Degas, qui compte parmi les plus célèbres de l'artiste, la femme semble perdue face à son verre d'absinthe. Sa présence d'une infinie mélancolie pourrait presque faire oublier le personnage masculin assis à sa gauche, le peintre et écrivain Marcellin Desboutin, représenté en habit sombre, fumant sa pipe. De son côté, Manet s'approche au plus près de son modèle en utilisant une palette lumineuse caractéristique de l'impressionnisme (notamment le rose pâle de la tenue). La jeune femme, très élégante, est absorbée par ses pensées. Elle semble moins triste, moins ivre que dans l'œuvre de Degas. Le peintre présente une image de la femme moderne, tenant une cigarette entre les doigts de sa main gauche. Elle observe peut-être les allées et venues du café, alors que l'animation supposée se situe hors-champ. À qui regarde-t-elle, à quoi rêve-t-elle ? Dans les œuvres de Manet et de Degas, le personnage féminin ne fixe pas le spectateur. Tous deux font du spectateur un témoin tout en maintenant une distance qui laisse place à un certain mystère.

Manet les courses au bois de Boulogne peint en 1872

Degas course de gentlemen, avant le départ daté de 1882

Comme souvent chez Degas, la composition de ce tableau offre un plan rapproché, mettant en avant les détails. Les chevaux sont représentés juste avant la course, se dirigeant vers la ligne de départ, leurs pattes tronquées par le cadrage qui renforce l'effet de proximité avec le spectateur. Le peintre immortalise ainsi un moment d'attente, de calme avant l'éclosion de l'adrénaline. La palette de couleurs dominantes dans le tableau est composée de verts, de bruns et de gris, tandis que seuls les chevaux et leurs cavaliers apportent des touches plus chaudes de rouge-orangé. À l'arrière-plan, la fumée s'échappant des cheminées d'usines témoigne des transformations du paysage à l'ère de la révolution industrielle.

Quant à Manet, il propose une vision plus panoramique de la scène. La course a lieu au bois de Boulogne, à l'emplacement actuel de l'hippodrome de Longchamp. Quatre jockeys se précipitent à toute vitesse. Malgré l'impression de réalisme, on peut noter une "erreur" fréquente dans les représentations de chevaux au galop à cette époque : ni les pattes avant ni les pattes arrière des chevaux ne touchent le sol, ce qui est impossible dans la réalité. À l'instar de la photographie, Manet joue avec la profondeur de champ. Les cavaliers et les chevaux sont d'une netteté parfaite - bien qu'ils soient en mouvement -, tandis que le décor est plus flou. Le paysage en arrière-plan est esquissé en aplats de verts ponctués par quelques maisons blanches. Les petits groupes de personnages - femmes en robes longues, hommes coiffés de chapeaux - évoquent le caractère mondain de ce type d'événement, très apprécié à l'époque.

Le tub peint par Manet en 1878

Le tub peint en 1886 par Degas

Le sujet intemporel de la femme au bain, réinterprété à de nombreuses reprises, est un classique de l'histoire de l'art, offrant une occasion de représenter la nudité et de pénétrer dans l'intimité des individus. Les deux artistes utilisent la technique du pastel de manière différente. Chez Manet, le rendu est proche de celui de la peinture à l'huile, tandis que Degas laisse délibérément la matérialité de la poudre visible pour mieux suggérer la texture de la peau. En observant l'œuvre de Manet, comment ne pas penser - malgré l'anachronisme - aux portraits que Pierre Bonnard réalisera ultérieurement de son épouse Marthe dans sa salle de bains ? Le spectateur est tenu à distance mais le point de vue en fait un voyeur involontaire. Dans cette "pause sur image", le corps nu s'offre à son regard, et la femme tourne les yeux vers lui, surprise d'être observée. Quant à l'œuvre de Degas, elle évoque l'art d'Henri de Toulouse-Lautrec (la position, la chevelure rousse...). Elle fait partie d'une série de nus féminins - se lavant, se coiffant, se séchant, se peignant, etc. - que l'artiste présente lors de la dernière exposition du groupe des impressionnistes en 1886. Cette composition est à la fois très pudique et d'une grande douceur, grâce à la délicatesse de la pose et à la lumière qui caresse la peau, sculptant le corps de la jeune femme. Les subtils tons de blanc qui éclairent sa main et son pied ajoutent à l'ensemble. Degas observe son modèle en plongée et ose une ligne oblique qui divise le tableau de manière radicale, d'un côté le personnage en action et de l'autre une nature morte.

LCette exposition présente l'avantage de permettre une nouvelle perspective sur certains tableaux que l'on pensait connaître par cœur (comme le Portrait de famille de Degas ou Le Balcon de Manet) en les confrontant à d'autres.

De plus, elle offre l'opportunité de découvrir des œuvres rarement exposées en France, telles que La Bataille de l'USS "Kearsarge" et du CSS "Alabama" de Manet, venant de Philadelphie, ainsi que Femme sur une terrasse, également connue sous le nom de Jeune femme et ibis de Degas, prêtée par le Metropolitan Museum of Art de New York.

Mon avis sur l’exposition

Tout d’abord, je vous l’ai déjà dit, je trouver que le musée d’Orsay est peut-être l’un des plus beaux musées du monde.

Pour autant, les espaces dédiés aux expositions sont biscornus.

Si vous êtes un habitué du Musée, vous reconnaîtrez sans difficulté de nombreux tableaux qui ornent les murs du musée habituellement, dans leur habitat originel, bien plus heureux que dans le cadre de cette exposition. Mais vous y verrez tout de même les plus beaux Manet et Degas de l’Outre Atlantique.

Néanmoins, si vous ne l’êtes pas et encore plus si vous visitez notre belle ville de Paris, dont la visite du musée d’Orsay demeure incontournable, alors par d’hésitation, allez voir cette exposition !

En effet, certains tableaux n’ont jamais quitté le musée d’Orsay

D’ailleurs vous entendrez parler américain à tout va et les gens ne regardent plus rien, mais au moins ils auront fait l’exposition.

En résumé, je n’ai pas été très convaincue par l’essence thématique de cette exposition qui se veut de mettre en face deux artistes qui se sont somme toute peut connu.  L’exposition organisée de manière thématique un peu rébarbative à mon sens, permet de voir ce qui peut rapprocher ou opposer les artistes.

Mais bon il faut toujours une petite histoire pour rendre une exposition attrayante.

Les deux noms sont accolés mais la magie de la thématique ne s’opère pas, mais vous ne perdrez pas votre temps à admirer de magnifiques tableaux.

Mais un conseil avisé, évitez la foule : la queue extérieure, puis intérieure si vous ne bénéficiez pas d’accès privilégié ne sera pas votre dernier effort, car vous devrez faire preuve de contorsionnisme pour pouvoir regarder correctement un tableau entre les téléphones portables et les gens qui parlent fort sans rien regarder.

Elodie Couturier

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