Musée Marc Chagall : 50 ans déjà !

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Le musée Marc Chagall fête ses 50 ans : histoire du musée et décryptage du Message biblique

Je vous emmène aujourd’hui au musée national Marc Chagall à Nice, qui fête ses 50 ans : Jusqu’au 8 janvier 2024, à l’occasion de son cinquantième anniversaire, le musée Marc Chagall organise l’exposition « Chagall et moi ! » à Nice.

Cette exposition a été initiée en plusieurs volets et permet à certains artistes de rendre hommage à Marc Chagall.

Pour bien comprendre cet hommage et ce titre d’exposition « Chagall et moi », il faut tout d’abord savoir quel est ce musée,  quelque peu particulier

Le musée

En 1969, l'idée de créer un musée pour abriter le Message Biblique, offert à l'État par Marc Chagall, prend forme.

Le ministre de la Culture, André Malraux, est à l'origine de cette initiative.

La construction démarre en 1970 sur un terrain offert par la Ville de Nice, où se trouvait une vieille villa en ruines du début du siècle.

Chagall est enthousiaste vis-à-vis de ce projet. Il propose l'ajout d'un auditorium parmi les salles prévues et souhaite agrémenter le bâtiment avec des vitraux pour l'auditorium, ainsi qu'une mosaïque qui conduit à des changements dans la circulation du musée.

En 1973, le musée national Message Biblique Marc Chagall est inauguré en présence de l'artiste lui-même, d'André Malraux et de Maurice Druon, alors ministre de la Culture.

Jusqu'à son décès en 1985, Chagall continue à jouer un rôle actif dans les premières années du musée. Il assiste aux ouvertures d'expositions et grâce à ses relations, il facilite l'organisation de concerts de renom.

Après la disparition de Chagall, le musée bénéficie d'une importante dotation d'œuvres d'art, comprenant plus de 300 pièces. De nouvelles acquisitions viennent enrichir les collections au fil du temps. Avec le soutien des héritiers de Chagall, le musée devient progressivement une vitrine complète de l'artiste, reflétant sa spiritualité et sa place dans l'art du XXe siècle.

En 2008, il change de nom pour devenir le musée national Marc Chagall.

Le message biblique

Marc Chagall commence à travailler sur le Message biblique au débit des années 50, initialement prévu pour animer la Chapelle du Calvaire à Vence, où il vécut de 1949 à 1966.

Le projet ne se réalisant finalement pas, c’est André Malraux qui vint au secours de Chagall, en lui proposant cet écrin spécial qu’est le musée Chagall. C’est d’ailleurs cela qui incitera le couple Chagall faire la donation à l’Etat de cet ensemble, mis à disposition du public, dans une optique d’universalité de l’esprit.

Ce cycle comprend 12 tableaux, illustrant la Genèse et l’Exode : une bonne manière de revoir en image les thèmes incontournables de l’Ancien Testament.

En effet, il s’agit là d’une iconographie très claire et très précise par rapport au texte biblique, au service d’une iconologie mettant en valeur les rapports entre l’Homme et Dieu, sujet inépuisable de notre réflexion.

Vous noterez que la disposition des tableaux n’est pas chronologique : ce qui a été décidé par Chagall. Probablement pour nous amener à observer chacun des tableaux en dehors de toute histoire et s’évader dans une peinture qui dépasse le narratif.

Alors laissez-vous embarquer dans l’univers de Chagall dans cette salle conçue pour les recevoir.

Voici quelques tableaux que j’ai sélectionné pour vous aujourd’hui :

Abraham et les Trois Anges (1960-66)

Je vous rappelle le sujet : Trois Anges, messagers de Dieu, viennent annoncer la naissance d’un fils au couple Abraham et Sarah alors très âgé.

Ce sujet a déjà été exploité par d’autres artistes comme Giovanni Battista Tiepolo, conservé au Prado.

Ici Chagall traite ce sujet sous un angle moderniste : la toile est divisée en une horizontale au premier plan et cassée par des verticales. Ce contraste est appuyée dans le jeu des couleurs : le rouge, couleur dominante du tableau symbole de l’amour, nuancé par le blanc, symbole de pureté.

Regardons de plus près ce tableau : Au centre, Abraham et les Trois Anges sont entourés par des motifs de tente. Sarah se tient à gauche, symbolisée par un arbre de vie et un panier de fruits exotiques, représentant la fertilité. Les anges sont assis autour d'une table richement parée, l'ange central engageant le spectateur avec un halo doré. Une bulle en haut à droite dépeint un autre épisode biblique où les anges annoncent la destruction de Sodome et Gomorrhe à Abraham, combinant ainsi naissance et destruction.

La peinture de Chagall transmet une atmosphère festive, les messagers appréciant le festin préparé par Abraham tandis que ce dernier semble prudent. L'utilisation de couleurs vives et de motifs attire l'attention, tandis que l'attitude d'Abraham révèle son acceptation de la volonté divine.

Moïse devant le buisson ardent (1960-1966)

Tout le monde connaît l’histoire du Buisson ardent : Le Buisson ardent est, dans la tradition biblique, la révélation du Dieu Eternel à Moïse dans le pays de Madian. Lors de ce passage, l’Eternel l’appelle de l’intérieur d'un buisson qui brûle sans jamais se consumer. Dieu se donne également un nom ineffable qu'il confie à Moïse. Cette théophanie a lieu sur le mont Horeb et est relatée dans le Livre de l'Exode, chapitre 3.

Le tableau est composé en trois parties distinctes. À droite, la plus grande, Moïse s'agenouille. Dans la seconde partie, le buisson ardent est représenté avec l'ange de Dieu dans un halo lumineux. La troisième section montre Moïse, avec une sorte de manteau, menant le peuple libéré de la colère de Pharaon à travers la mer miraculeuse qui engloutit chars et guerriers. Le ciel est peuplé d'oiseaux et d'anges.

Des rayons émanent de la tête de Moïse. Chagall propose une interprétation intéressante de ce détail. Dans la Bible, il est dit que son visage "rayonnait de lumière", mais le mot hébreu peut également signifier "porter des cornes". Chagall représente Moïse avec des cornes de lumière.

Le buisson ardent apparaît dans le texte biblique : "L'ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d'un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer" (Exode 3, 2). Au sommet de la toile, dans un arc-en-ciel symbolisant l'alliance, Dieu se manifeste sous la forme d'un ange au-dessus du buisson ardent. Il confie à Moïse la mission de libérer le peuple hébreu d'Égypte.

L'ange de Chagall, souriant et les bras ouverts, annonce l'ouverture à venir, le passage à travers la mer. À gauche de la toile, le peuple franchit la Mer Rouge. Moïse, porteur des Tables de la Loi, les guide tandis qu'une vague submerge les poursuivants, chars et guerriers.

Lorsque Moïse descend de la montagne avec les Tables de la Loi, c'est le peuple qui monte vers lui, lumineux. C'est un message d'espoir au milieu de l'adversité et des persécutions, illustrant le chemin vers la vie malgré le silence parfois assourdissant de Dieu.

Le geste de Moïse, étendant son bras sur la mer, provoque le miracle décrit dans le texte biblique : "Le Seigneur chassa la mer toute la nuit par un fort vent d'est ; il mit la mer à sec, et les eaux se fendirent" (Exode 14, 21). Les chars et les chevaux tentent en vain d'échapper à la vague déchaînée. Une similitude frappante est dessinée entre le buisson enflammé et les corps tourmentés des guerriers, leurs bras tendus rappelant les branches en feu.

Noé et l’arc-en-ciel, 1961-66

J’apprécie beaucoup ce tableau empreint d’espoir et synonyme d’un avenir meilleur.

Cet épisode marque la fin du Déluge et du courroux du Divin, ouvrant une nouvelle étape pour l’humanité.

Observons ensemble ce tableau :

Au coin inférieur droit du tableau, Noé repose, allongé paisiblement.

Au cœur de la composition, un arc-en-ciel, dont la courbe blanche est dominante, symbolise l'alliance entre Dieu et l'humanité. Tel une ellipse, cet arc incarne l'harmonie, source de bonheur humain. Il enveloppe les êtres éparpillés sur terre, révélant la présence lumineuse de Dieu, Son désir de guider l'humanité vers une vie pacifique et épanouissante.

La composition équilibrée, accentuée par des taches de couleurs primaires (rouge en haut, jaune à gauche et bleu à droite), s'articule autour de l'ellipse, symbolisant la première alliance entre Dieu et l'homme. Cette courbe s'harmonise avec la forme du corps endormi de Noé.

Bien que l'arc-en-ciel ait perdu ses couleurs, elles ressurgissent dans le tableau. L'Alliance de Dieu est offerte à tous, répandue autour de Lui. Porté par un ange en jaune et rouge, l'arc-en-ciel symbolise le bonheur découlant de cette alliance.

Ce bonheur est déjà palpable dans la partie droite du tableau, illustrant la communion entre couples et foules, la paix représentée par Noé. Cela contraste avec la partie gauche, évoquant les malheurs vécus par les Juifs au cours de l'histoire - maisons incendiées, foules fuyantes - une violence censée disparaître grâce à l'alliance.

Je vous laisse découvrir les autres tableaux à votre rythme à voir et à revoir dans ce lieu si privilégié.

Ne manquez pas la Rose bleue, blottie dans une petite salle, figurant un Christ en gloire rayonnant dans l’écho des 5 lobes de la rosette centrale et la fresque monumentale que vous pourrez contempler depuis l’intérieur confortablement installé sur un banc.

L’exposition temporaire

Aujourd'hui encore, ce lieu transmet un message universel puissant que Chagall retranscrit, je le cite: « Depuis ma jeunesse, la Bible m'a captivé. Elle demeure pour moi, et le sera toujours, la plus grande source de poésie de tous les temps. [...] Le monde se dresse devant moi comme un vaste désert où mon âme vagabonde tel un flambeau. J'ai peint ces tableaux en harmonie avec ce rêve lointain. Je les ai laissés dans cette Maison pour que les hommes puissent y découvrir une certaine paix, une spiritualité, une religiosité, une signification à la vie. »

Afin de célébrer ce don remontant à 50 ans, l'exposition intitulée « Chagall et moi ! » convie des personnalités contemporaines, telles que des artistes, des écrivains, des danseurs et des musiciens, à partager leur interprétation actuelle de ces tableaux. Cette exposition « Chagall et moi ! » est une pléthore de surprises qui s'accompagne d'un programme riche en événements. Le point d'orgue de cette célébration a commencé le week-end du 7 juillet 2023, coïncidant avec l'anniversaire de Marc Chagall et du musée lui-même.

Mon avis sur le musée et l’exposition

Alors si je devais vous donner mon avis sur ce musée et cette exposition :

Tout d’abord l’arrivée dans le musée est une invitation à aimer la vie et la nature, ce n’est pas un hasard :

Créé par Henri Fisch, architecte-paysagiste né en 1929, ce jardin est une œuvre à part entière. En collaboration avec Chagall, Fisch a opté pour des teintes douces et, au printemps, une palette florale aux nuances de bleu, offrant ainsi un havre de quiétude à l'œil tout au long de l'année, apportant une sérénité propice à la visite du musée, perché sur la colline de l'Oliveto. Le jardin est principalement composé d'essences méditerranéennes telles que les oliviers, les cyprès, les pins, les eucalyptus et les palmiers. Agrémenté de lavandes et d'agapanthes, il crée une harmonie subtile entre les verts, les bleus et les blancs. De plus, les agapanthes fleurissent ponctuellement chaque année le 7 juillet, date anniversaire de Chagall, ajoutant une touche symbolique à cette oasis végétale.

Une première halte dans un bâtiment où vous prendrez vos tickets vous permet d’aller vous rafraîchir et c’est là où vous terminerez votre parcours dans la librairie du musée qui propose des livres bien intéressants. Me concernant j’ai acheté le livre de Vladimir Federovski, Amour et Inspiration sur le rôle des inspirateurs ou inspiratrices qui ont marqué le milieu de l’art – qu’ils ou qu’elles soient muses, artistes ou collectionneurs.

Avant de rentrer dans le musée lui-même, il faudra laisser vos bouteilles d’eau à l’entrée ( pas de panique vous pourrez la récupérer à la sortie),et là commencez bien entendu par la visite des tableaux de Chagall, qui vous renversera littéralement.

L’exposition temporaire ne m’a pas passionnée : il s’agit plus de contrepoint.

Cela étant l’intitulée de l’exposition Chagall et moi est tout à fait adaptée.

Chacun y trouvera probablement des réflexions et des échanges pertinents.

Me concernant, j’étais trop imprégnée par la visite des tableaux qui sont chargés en symbolisme et dont l’iconographie ne peut laisser indifférent.

Alors si vous ne pouvez pas encore parler aux anges dans le cadre de cette exposition, il vous est proposé de laisser un message à Chagall, dont les enregistrements seront postés sur les réseaux sociaux du musée.

Comme le disent les guides, cette étape au Musée Chagall fait partie des incontournables de la Côte d’Azur !

A bientôt sur Expertisez pour de nouvelles visites de musées et d’expositions.

Elodie Couturier

 

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