Le « Solo Group Show » de Taturo Atzu à Nantes
« Approche à la fois trash et sexy »
Artiste insaisissable à l’humour détonnant, Taturo Atzu n’intervient habituellement qu’en extérieur, in situ, là où il peut jouer avec la présence de l’art dans l’espace public et s’amuser à nous faire porter un regard différent sur ce qui nous entoure. Pour répondre à l’invitation du Voyage à Nantes, qui lui a proposé une exposition monographique, ce Japonais à l’identité changeante (il s’appelait encore Tatzu Nishi au printemps) a choisi de faire entrer l’espace public dans celui de la galerie en imaginant un jardin public, où tout est forcément surprenant, absurde, voire surréaliste.
Au printemps, Taturo Atzu s’appelait encore Tatzu Nishi. Car ce pétulant Japonais de 55 ans aux courts cheveux blonds et à l’allure athlétique, qui voit la vie en jaune derrière ses verres teintés, n’hésite pas à changer de nom, environ tous les cinq ans. « Quand j’en ai marre ou que j’ai le sentiment de passer à autre chose », explique l’artiste en riant.
Une identité changeante peu commode à gérer lorsqu’elle intervient en cours de préparation d’un événement, comme c’est le cas cette année avec la carte blanche qui lui a été proposée à l’occasion du Voyage à Nantes. Mais les organisateurs de ce rendez-vous culturel estival ont su contourner la difficulté en présentant un amusant « Solo group show » : une exposition personnelle collective rassemblant Taturo Atzu, Tatzu Nishi, Tatzu Oozu, Tatsurou Bashi et Tazro Niscino… soit tous les pseudonymes alternativement adoptés par l’artiste depuis près de vingt ans.
L’exposition est une occasion inédite de découvrir l’univers de cet artiste, qui reste méconnu malgré des œuvres à fort retentissement médiatique – comme l’appartement de Christophe Colomb qu’il avait conçu autour de la sculpture haut perchée du navigateur, à New York. A Nantes et ses environs, il avait déjà imaginé deux lieux d’habitation qui ont marqué les esprits, une chambre d’hôtel éphémère autour d’une fontaine du centre-ville, et la « Villa Cheminée », gigantesque tuyau de cheminée coiffé d’un incongru pavillon qu’il est possible de louer à la nuit depuis 2009.
Taturo Atzu ne produit habituellement que des œuvres in situ, un choix qui remonte à ses débuts, lorsqu’à la sortie des Beaux-Arts de Düsseldorf, en Allemagne, il avait participé à une exposition restée déserte. « Je ne savais plus pour qui et pour quoi je faisais ces œuvres, ça m’a donné envie de sortir dans la rue, là où il y a des gens », explique-t-il, arguant que « l’art n’est pas fait que pour les critiques et les collectionneurs ! »
A Nantes, il a ainsi imaginé une exposition consistant à faire entrer l’espace public dans la galerie. Avec sa fontaine, ses réverbères, ses sculptures et même un arbre, elle se présente comme un jardin public, mais où tout est absurde, voire surréaliste. Un mur d’affichage « sauvage » y sert de rétrospective sur son travail.
Taturo Atzu aime créer des contradictions, jouer avec les échelles de valeur et concilier ce que l’on oppose : bon et mauvais goût, objets précieux et matériaux basiques, l’historique et l’anecdotique, le public et le privé… « Il provoque des frictions pour que l’on reconsidère ces notions-là. Par son approche, toujours humoristique, à la fois trash et sexy, il cherche à laver le regard de nos jugements et a priori », analyse David Moinard, responsable de la programmation artistique du Voyage à Nantes et commissaire de l’exposition.
D’une fontaine-benne à des « cariatides » loufoques – des sculptures issues des réserves du Musée des beaux-arts de Nantes surmontées d’un bric-à-brac (canapé, photocopieuse, vélo…) pour « soutenir » le bâtiment –, tout est dans les décalages et bricolages audacieux, embryons de fictions soulignées par des titres savoureux.