Steph Simon
La Galerie Down Town a acquis les archives de Steph Simon qui diffusa, dans les années 50, le nec plus ultra du design. En tête, Perriand et Prouvé.
C’est écrit sur les murs. En inaugurant l’exposition Steph Simon à la Galerie Down Town, François Laffanour officialise l’achat des archives du galeriste. Tout en plongeant le visiteur dans l’une des belles aventures artistiques de l’après-guerre. Steph Simon, qui collabora dès 1949 avec les ateliers Jean Prouvé, fut novateur et téméraire à plus d’un titre. C’est grâce à un acte de bravoure qu’en 1956, il eut les moyens d’ouvrir sa galerie au 145 boulevard Saint-Germain : blessé en barrant la fuite d’un voleur, il toucha une somme d’argent salutaire. Dans l’ère de la reconstruction, les architectes avaient eu un rôle de premier plan. Le mobilier moderniste était alors soutenu par des salons comme celui des Arts ménagers, ainsi que par la presse spécialisée, mais peu de galeries avaient pris le parti de le diffuser. L’ouverture de la Galerie Steph Simon, qui rejoignit la Galerie Mai et celle de Florence Knoll, demeura un phénomène nouveau. Mais le concept qu’institua ce médiateur avisé allait bien au-delà. Il créa dans son espace un bureau d’études chargé de concevoir des aménagements intérieurs à la fois privés et industriels. Jean Prouvé et Charlotte Perriand, en tête, assurèrent la direction artistique de la galerie ; ils s’engagèrent à créer dix modèles standard par an et à les adapter au gré des commandes. D’où certaines pièces rarissimes. «Les tables standard rectangulaires en frêne de Charlotte Perriand se vendaient comme des petits pains alors que les tables de forme libre teintées noir, par exemple, étaient réservées à une clientèle plus confidentielle.» Au côté du mobilier de Perriand et Prouvé, figuraient les luminaires de Serge Mouille, les céramiques de Georges Jouve et les lanternes en papier d’Isamu Noguchi… Toujours d’actualité. Puis vinrent les années 70 et la traversée du désert. En 1974, Steph Simon, alors septuagénaire, revendra sa galerie à Henri Machet, l’un de ses collaborateurs aujourd’hui disparu. C’est à lui que François Laffanour a acheté les précieuses archives qui comprennent sept cents plans, trois cents photos, des factures, des bons de commande, des projets. Avec l’intention d’en établir le catalogue raisonné. En attendant, le marchand expose ici des pièces emblématiques des cinq créateurs (dont certaines ont figuré au vernissage de 1956), étayées par de nombreux documents. L’élégance sans une ride.
La morale de l’histoire. L’achat d’archives donne-t-il l’autorisation de rééditer des pièces ? «Non. D’une part, les contrats sont épuisés et seuls les ayants droit peuvent donner leur accord. De plus, ce n’est pas une démarche qui m’intéresse. Ce mobilier a été conçu à une époque précise et doit en garder la trace. Les rééditions, qu’elles concernent le XVIII ou le XXe, ont un je-ne-sais-quoi de figé. Pourquoi ne pas privilégier le design contemporain ?»
Source : le figaro