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Un tableau volé de Picabia vendu trois fois
Dérobée en 1974, "La Rivière" de Picabia est restituée au Musée de Nevers
Une succession de failles et un dénouement heureux. Le tableau de Francis Picabia intitulé La Rivière, volé en 1974 au Musée de Nevers, a finalement été restitué à l'établissement. Son histoire offre une vision contrastée du système de repérage des œuvres d'art volées dans le monde. Effrayant d'abord : le tableau a été proposé à la vente à trois reprises par de grandes maisons sans que personne ne remarque quoi que ce soit. Réconfortant ensuite : lors de la quatrième tentative, tout le monde a finalement reconnu le tableau manquant.
Le vol du Picabia en 1974
L'histoire du vol de La Rivière commence le 12 janvier 1974, lorsque le tableau disparaît en même temps qu'une autre toile de Suzanne Valadon. Si cette dernière est retrouvée peu de temps après, le tableau de Picabia « sort probablement de France », selon Françoise Reginster, conservatrice du Musée de Nevers. L'œuvre réapparaît en 1987, rebaptisée Le Paysage, et est vendue par Sotheby's à Londres. Elle est ensuite revendue chez Christie's en 1988.
Le manque de coopération des bases de données
En 2008, Le Paysage est proposé à la vente chez Sotheby's New York. « Nous avons vérifié si l'œuvre figurait sur l'Art Loss Register, une base de données privée alimentée par des compagnies d'assurance et par Interpol, mais elle n'y figurait pas, ni sur la base Treima de l'Office central des biens culturels », explique Guillaume Cerutti, PDG de Sotheby's France. Le comité Picabia, composé d'héritiers et de spécialistes, a même délivré un certificat d'authenticité sans faire le lien avec l'œuvre volée, mettant en avant le titre erroné de la toile.
Mais le tableau ne trouve pas preneur et est vendu de gré à gré par Sotheby's New York. Trois ans plus tard, en 2011, l'acheteur propose de nouveau l'œuvre à la vente chez Christie's à Londres, avec une estimation à 200 000 dollars. Cette fois-ci, le comité Picabia reconnaît enfin l'œuvre, et la ville de Nevers réclame son bien. La toile est retirée de la vente, et Christie's s'occupe de la restitution.
La restitution et les leçons à tirer
Le vendeur, dont l'identité reste secrète, a peut-être été indemnisé par la maison de vente, mais il a dû rendre « son » tableau. « Les biens de l'État sont inaliénables », rappelle Marie-Christine Labourdette, directrice des Musées de France. Même si l'acheteur avait acquis le tableau de bonne foi avec un certificat d'authenticité, l'œuvre ne pouvait légalement lui appartenir.
Le maire de Nevers, Florent Sainte-Fare Garnot, a récupéré le tableau à quelques mois de la réouverture du musée de la ville, alors en rénovation. Guillaume Cerutti a profité de cet épisode pour réclamer une meilleure coopération entre les autorités publiques et les acteurs du marché de l'art. Dans une tribune, il a pointé du doigt le fichier Treima, qui recense les objets volés depuis 1995 mais n'est pas accessible directement par les maisons de vente. Il a également souligné le manque de coopération entre les différentes banques de données nationales.
Si vous possédez une œuvre, un tableau, un dessin ou une estampe de Francis Picabia, nos experts sont à votre disposition pour vous fournir une estimation en vue d'une vente aux enchères.