Erró, le géant islandais dans sa bulle

Qui a rencontré Erró, géant islandais à la chaleur volcanique bien dans la nature de son île, a rencontré l'histoire de l'art en France depuis le début des années soixante. Le chemin jusqu'à Paris a pourtant été long comme un roman de Jules Verne pour celui qui s'appela d'abord Gudmundur Gudmundsson, car né en 1932 à Olafsvik, en Islande, tout près de l'endroit où commence le Voyage au centre de la Terre (1864). Son père, Gudmundur Einarsson frá Middal, est un artiste peintre reconnu. Erró vivra enfant avec sa mère, Soffia Kristinsdottir, et, à partir de 1936, avec son beau-père, Siggeir Lárusson, fermier à Kirkjubaejarklaustur et, dit-il avec sa générosité naturelle, «un personnage magnifique».

Entouré d'une nature splendide, le futur Erró de la Figuration Narrative dessine et peint des paysages sous l'influence du peintre islandais, Johannes S. Kjarval (1885-1972), maître qui installe son atelier estival dans l'ancienne école du village. Il lit les sagas islandaises, enluminées et merveilleuses, admire la main surréaliste du peintre Pavel Tchelitchev, américain d'origine russe qui apprit le dessin avec Alexandra Exter à Kiev après la Révolution d'Octobre. Il partage aussi l'intérêt de la famille pour les machines et le bricolage, note Danielle Kvaran, exégète de son oeuvre et commissaire de la rétrospective Erró qui envahit le MAC Lyon jusqu'au 22 février. L'art et la machine, drôle d'alliage. Ses Mecadolls (1962), ses Mecamasks (1959), ses Mecasciences pour le mécacours moyen, le cours supérieur et les classes de 8e et 7e des lycées et collèges, ses 100 Poèmes mécaniques sont là pour en témoigner avec humour.

Chair vivante et matière inerte

De cette enfance peu commune, jaillit un tempérament de feu, un artiste qui ne ressemble à personne ni dans la vie ni dans son art où les influences se télescopent avec une santé hors normes. Elles viennent du Nord comme du Sud, des mers froides et des volcans comme de Byzance. Des Beaux-Arts de Reykjavik à ceux d'Oslo la Norvégienne où il assiste à la restauration des oeuvres d'Edward Munch. De la Suède où il découvre l'art mexicain. De l'Allemagne parcourue en train dans le sillage des expressionnistes. De Florence et ses prestigieux grands maîtres (Léonard de Vinci, Paolo Uccello, Leonardo Cremonini ).... Tout infuse en lui, forge une inspiration profuse et complètement personnelle que sa curiosité, sans fin comme celle d'un enfant, ne cesse de bousculer.

À la fin des années cinquante, la rencontre déterminante est celle de l'artiste Jean-Jacques Lebel, fils du critique d'art et collectionneur Robert Lebel, qui l'introduit au dadaïsme et au surréalisme. Erró s'installe à Paris, rencontre ainsi André Breton, Marcel Duchamp, Max Ernst, Wifredo Lam, Joan Miró, Victor Brauner, Roberto Matta. De leur univers chamboulé par le rêve et l'inconscient, il reprend le mariage incongru des formes les plus contraires, chair vivante et matière inerte, paquebot France et Olympia de Manet, etc... En découleront ses collages d'illustrations sur lesquels s'appuient ses vastes tableaux homériques qui dévorent le monde. Le Centre Pompidou a transformé sa donation généreuse de 66 collages historiques en rétrospective de l'oeuvre coupé et collé sur papier, au Cabinet d'art graphique en 2010.

Pulpeuses guerrières

Titans de la toile, ses Scapes couvrent les murs, mêlent les cultures et les époques dans leurs compositions immenses et denses à l'équilibre quasi surnaturel, leurs récits enchevêtrés comme une jungle, lisibles comme des romans-photos, voire des BD où les femmes sont de pulpeuses guerrières. La rétrospective du MAC Lyon est à la mesure de cet homme d'une autre planète: elle attrape le visiteur dans un tourbillon d'images et de références, de couleurs qui chahutent et de messages politiques qui cinglent les aveugles et les amorphes à travers les ans. Tout amateur de la Figuration Narrative y retrouvera cet esprit particulier de la peinture. Tout amateur de BD, plutôt américaine, souvent underground et sexe, reconnaîtra ses héros chez Erró.

Juste avant de regagner son atelier d'hiver en Thaïlande, Erró a reçu Le Figaro dans son (frais) atelier parisien, encombré des toiles de sa nouvelle série inspirée des mangas japonais. Il tutoie d'emblée, en libertaire des années 1970, en séducteur patenté à l'oeil bleu glacier ou en bon Nordique, à la tradition communautariste et partageuse. Sous le nom d'artiste Erró, au parfum espagnol plutôt trompeur, demeure une forte nature, joviale et décidée. Source

Retrouvez l'article Erro s'expose à Lyon

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